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« L’ART DU COCKTAIL » DE FRANK MEIER : UN SUCCÈS DE LIBRAIRIE

C’est l’un des événements de l’année : la bible du légendaire barman du Ritz entre 1921 et 1947 est enfin traduite en français, accompagnée de la plume de l’historien, journaliste et écrivain Philippe Collin. Rencontre avec un passionné des bars d’hôtels.

Est-ce la première fois que vous écrivez sur la mixologie ? 

En effet, je n’avais pas encore publié sur cet univers. J’ai écumé les bars d’hôtels de luxe à travers le monde et j’ai une passion pour le bar Hemingway du Ritz. Je connais bien son ancien chef barman, Colin Field. 

Un bon bar d’hôtel de luxe comme celui du Ritz est un lieu où l’on se sent comme chez soi, agrémenté d’une atmosphère de convivialité et de clients très éclectiques. Pour moi historien, c’est un voyage dans le présent et le passé. 

Le bar du Ritz reste un relais de l’histoire de son chef barman Frank Meier. Colin Field a réussi à préserver des vestiges du passé comme la machine à écrire d’Ernest Hemingway. D’ailleurs, je trouve que les 2 chefs bar men ont certains points communs comme une grande écoute de leurs clients. 

Comment a commencé l’aventure avec le livre «l’Art du Cocktail», jamais traduit en France ? 

À l’origine, j’étais parti pour écrire un roman sur Frank Meier pendant l’Occupation allemande à Paris durant la Seconde Guerre mondiale. Le livre est d’ailleurs sorti en avril, sous le titre le Barman du Ritz (Albin Michel). J’ai découvert l’ouvrage de ce chef bar man édité en 1936 en anglais en seulement 1 300 exemplaires, dont 300 dédicacés pour le gotha de l’époque. 

C’est l’écrivain Scott Fitzgerald, client du Ritz, qui aurait conseillé à Meier d’écrire cet ouvrage. Il est un guide pour gentlemen composé de plus de 400 recettes de cocktails et de conseils étranges, comme ceux en cas d’ingestion de poison, ou d’un chapitre sur les courses hippiques – que le chef barman adorait. 

Une fois mon roman terminé, l’Art du cocktail était libre de droits. Avec mon éditeur, nous avons sauté sur l’occasion : nous l’avons fait traduire et avons demandé à l’illustrateur belge Delius de relooker l’ouvrage dans un esprit année 1920-1930. 

Dans votre livre, vous retracez sa vie entre 1921 et 1945.
Parlez-nous de cette figure du cocktail. 

Frank Meier est né en 1884 dans le Tyrol autrichien. Il quitte son pays à 14 ans pour tenter sa chance aux États-Unis. Il enchaîne les petits boulots avant d’être barman et de collaborer avec le maître du cocktail Charles Mahoney, inventeur du bar américain. Celui-ci lui enseigne les clefs du bar des hôtels de luxe. 

Après s’être forgé une belle réputation, Frank Meier revient en Europe en 1906 et ouvre son propre bar américain vers Opéra. Celui-ci avait la particularité d’avoir un bowling. La guerre de 1914-1918 le conduit à s’engager dans l’ar mée française en tant qu’étranger. Il en réchappe sans une égratignure. 

En 1921, le chef barman entre au bar amér icain du Ritz. Il en fait un lieu élégant autant qu’esthétique, convoité par le gratin parisien. 

Frank Meier était une vraie célébrité, tant à Paris qu’aux États-Unis. En 1940, soit au début de la Seconde Guerre mondiale, il est au faîte de sa gloire. Jusqu’en 1944, ses clients ar tistes et écrivains sont remplacés par des nazis ou des collabos. Frank Meier devait gérer dans son bar une situation complexe en évitant de renier ses valeurs (on le suppose de religion juive). Il est d’ailleurs entré dans la Résistance. 

La fin de sa vie est plutôt tr agique. Il est licencié du Ritz en 1945, pour des raisons inconnues. Il meurt en 1947, dans des conditions déplor ables. 

Est-ce que Frank Meier a une influence dans l’univers d’aujourd’hui ? 

Il reste une figure impor tante de la planète cocktail et du Ritz mais a disparu des radars, contrairement à d’autres grands noms. C’est une personnalité qui recherchait l’esthétisme et la sophistication. 

Vous remarquerez qu’il n’y a pas de mesure pour les cocktails… Sûrement qu’il souhaitait garder ses secrets de fabrication ! Si j’étais un barman j’adorerais avoir ce bel ouvrage entre les mains. 

« L’Art du cocktail » – Albin Michel — 20 € 

Écrit par Laurence Marot

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