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MOUNT GAY : UN RHUM EN PLEIN RENOUVEAU

Propriété du groupe Rémy Cointreau depuis 1990, la plus ancienne distillerie du monde, basée sur l’île de la Barbade, poursuit sa dynamique et la production des blends qui ont taillé sa belle réputation à travers le monde. Nouveaux investissements, nouveau master blender, nouveaux assemblages… Tour d’horizon d’une maison qui reste l’un des fleurons des alcools anglo-saxons.

La Barbade : le berceau du rhum

Pour comprendre les fondations de la distillerie Mount Gay, un peu d’histoire.

Mount Gay Rum - Barmag.fr

Dès 1627, les premiers colons britanniques (écossais et irlandais) s’installent sur l’île corallienne sans volcan à l’horizon. Ils y cultivent le tabac, le coton et l’indigo. C’est seulement à partir des années 1630 que des plants de canne à sucre provenant du Brésil sont cultivés sur les terres ensoleillées de la Barbade pour élaborer, à l’origine, du sucre.

Une stratégie fondamentalement plus rentable. On remarqua rapidement que son résidu, la mélasse, produisait de l’alcool, en fermentant en période de pluie.

En 1640, des alambics pot still sont rapatriés de Grande-Bretagne pour réaliser les premiers distillats à haut degré. Selon les écrits de la plantation Fruit House, le premier rhum de l’histoire sort des cuves bouillonnantes en 1646. Un chapitre du monde des spiritueux vient de s’ouvrir.

Naissance d’une distillerie novatrice Mount Gay Rum de plus de 300 ans

Les amateurs du rhum de la Barbade connaissent tous la date de naissance de la distillerie : l’année 1703, qui a donné le nom à l’une de ses célèbres cuvées.

À la suite de récentes recherches, l’équipe de Mount Gay a découvert une date plus ancienne, 1654. « Chaque plantation de la Barbade possédait son propre pot still. Dans les années 1650, elle produisait son rhum pour le donner aux esclaves et aux maîtres », raconte Raphaël Grisoni, le directeur général de la distillerie.

Au XVIIIe siècle, l’histoire de la distillerie (appelée à l’époque Mount Gilboa Plantation) prend un vrai tournant à l’initiative de son propriétaire John Sober, qui engage John Gay Alleyne, un homme doué de multiples talents pour améliorer les techniques de distillation et la qualité de son rhum.

Pari réussi ! À sa mort, la distillerie est rebaptisée Mount Gay Rum en son honneur.

Puis nouveau cap en pleine Prohibition, avec l’envie de bousculer les traditions. Ses propriétaires, la famille Ward, investissent dans un alambic à colonne et créent le premier assemblage avec du rhum à base de pot still et du rhum à base de colonne, vendu sur le marché local puis export. La marque de rhum de la Barbade s’impose sur l’international dès les années 1960.

Nouvel épisode dans l’histoire de Mount Gay Rum : en 1990, le rachat de la marque par le groupe français Rémy Cointreau, puis ceux en 2013 de la distillerie et en 2014 de la plantation. S’ouvre alors une nouvelle ère pour la distillerie sur un marché du rhum en pleine mutation.

Une distillerie et son travail sur les assemblages

Localisé au nord de l’île, Mount Gay use aujourd’hui d’un savoir-faire âgé de 300 ans.

Aujourd’hui, la distillerie jongle avec plusieurs origines de mélasse pour confectionner son précieux rhum : la mélasse barbadienne entre à hauteur de 20% de ses besoins (il n’y a pas assez de mélasse à la Barbade pour les 3 distilleries entre Mount Gay, Foursquare et West Indies Rum Distillery, qui se partagent la production de l’île, soit 8 000 à 10 000 tonnes de mélasses) ; le reste est importé du Mexique, du Guatemala et de la République dominicaine avec une préférence pour la dernière. Les mélasses sont certifiées Bonsucro.

Quant aux mélasses de la plantation Mount Gay, elles représentent une part infime – entre 3 et 6%.

Pour fermenter cette matière première exotique, la maison de Barbade travaille avec sa propre levure créée dans son laboratoire, à partir de bactéries indigènes prélevées autour de la distillerie. Un élément essentiel pour préserver l’identité de ses arômes.

« Notre temps de fermentation est plus long que celui de nos concurrents : 3 à 4 jours pour la mélasse distillée en colonne, et entre une semaine et 10 jours pour la mélasse distillée en pot still. Nous avons investi dans des fermenteurs en chêne qui restent semi-ouverts pendant leur activité, et nous utilisons notre eau filtrée par le corail provenant du puits de la propriété », précise Raphaël Grisoni.

Quant à la distillation, la maison fait turbiner son paquebot avec 4 types d’alambics : 2 pot still à double retors (l’un d’origine écossaise pour des rhums musclés, et l’autre espagnol pour des rhums plus légers) ; pour des rhums herbacés et fruités, un alambic traditionnel à colonnes en cuivre ; et pour des rhums styles végétal ou floral, un alambic Coffey John Dore (à nouveau actif depuis décembre 2018).

Chaque distillat est ensuite vieilli séparément dans des ex-fûts de whisky américain, de bourbon et de cognac avant d’être assemblé selon tout l’art du master blender. Pour explorer des goûts hors de ses collections permanentes, Mount Gay profite de l’opportunité d’une collection étoffée de fûts du groupe Rémy Cointreau : fûts de whisky tourbé, de sherry, de porto, de sauternes…

Une collection de rhums d’assemblages de belle facture

Derrière l’activité de la distillerie se cachent des hommes, des master blenders créatifs, et un savoir-faire vieux de 3 siècles. En 1991, le maître assembleur de Mount Gay, Jerry Edwards, crée l’un des premiers rhums vieux du marché : le XO ou Extra Old, un blend de rhums vieillis entre 8 et 15 ans.

Une innovation devenue une icône. Cet expert passe la main à Allen Smith en 2010, à l’origine de plusieurs bijoux de la maison : 1703, le must de la maison, un blend d’une quarantaine de rhums entre 10 et 30 ans d’âge, créé en 2008 ; 2012, Black Barrel, un rhum explosif issu d’un assemblage de 2 distillats en alambics pot still et à colonne, maturé en ex-fûts de bourbon bousiné, et les éditions limitées Master Blender Collection pour expérimenter certains styles de vieillissements comme The Port Cask Expression avec des ex-fûts de porto.

Depuis avril 2019, la talentueuse Trudiann Branker a pris les rênes de ce génie de l’assemblage. « Aujourd’hui, nous souhaitons recruter des consommateurs liés à l’univers du whisky. Nous avons laissé totalement carte blanche à Trudiann, qui s’est chargée de moderniser nos 2 produits phares : Black Barrel et XO », explique le DG de la distillerie.

Au programme : un packaging plus pédagogique avec un Black Barrel doté de davantage de caractère, regorgeant de rhums plus âgés dans le blend (pour la part la plus jeune, 3 ans au lieu de 2 ans), majoritairement issu en alambic pot still d’un plus long finish en ex-fûts de bourbon très brûlés de 6 mois au lieu de 4 semaines précédemment ; et un gourmand XO, un assemblage de rhums vieillis séparément dans 3 fûts différents : american whiskey, bourbon, cognac, ce qui fait sa complexité aromatique.

Inspirée par la variété des fûts du chai (près de 50 000 barriques), la jeune femme poursuit les éditions limitées avec des recettes inventives. La crise sanitaire a malheureusement freiné le lancement des pépites de la maison sorties sur le marché français au printemps 2020. « En attendant des jours meilleurs, nous nous concentrons sur le réseau caviste et nous organisons, pour les professionnels, des masterclass digital », commente Raphaël.

Une nouvelle stratégie autour du développement

Depuis 2008 et son arrivée à la tête de la distillerie, l’ex-Marseillais amène doucement son équipe vers des horizons plus responsables, à l’image de groupe Rémy Cointreau : « Nous nous sommes fixé la date de 2030 pour finaliser notre stratégie et réduire le plus possible nos émissions de CO2. Pour la partie agricole, nous travaillons en agriculture raisonnée sur nos plantations et nous voulons pour 2025 substituer les engrais chimiques aux engrais organiques. Côté énergie, nos bureaux et la salle d’embouteillage sont alimentés de manière autonome grâce à l’installation de panneaux solaires. Autre point important : le projet d’allégement des bouteilles en verre, remplacées par des matières alternatives. Nous travaillons sur cette partie avec le groupe Rémy Cointreau. »

Malgré ses 300 ans, Mount Gay garde en 2021 l’esprit d’innovation qui fait sa force.

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Écrit par Laurence Marot

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