Arina Nikolskaya est une vétérane de l’industrie et la fondatrice du shift project. un projet lancé au Kazakhstan pour développer les scènes cocktails émergentes. Elle nous en parle, et aussi de l’évolution de la scène Kazakhe.
Pourriez-vous évoquer votre parcours ?
Je suis docteure en linguistique. J’ai commencé dans la coordination de projets culturels, avant de rejoindre l’univers du bar en 2013 en intégrant le Moscow Bar Show. Très vite, j’en ai pris la direction pour en faire l’un des plus grands bar shows d’Europe de l’Est.
En 2022, je me suis installée au Kazakhstan, où j’ai lancé le Nomad Bar Show : un format itinérant pour relier les scènes d’Asie centrale. En 2023, j’ai créé le Shift Project – une plateforme non lucrative dédiée aux scènes émergentes. Je suis aussi Academy Chair World’s 50 Best Bars.
Expliquez-nous l’objectif du Shift Project.
Shift est né en 2023 d’un constat simple : bon nombre de scènes émergentes ont du talent, des idées, une vraie culture mais pas de visibilité, de réseau et souvent aucun accès aux marques ou aux circuits internationaux. On a donc imaginé cette plateforme pour favoriser la formation, les liens horizontaux.
Ce n’est pas une agence. Shift organise des résidences, guest shifts et bourses de Singapour à Florence, de Mexico à Milan, en impliquant directement des bartenders d’Asie centrale et d’autres régions sous-représentées.
On travaille aussi localement : après chaque voyage, les membres reviennent partager ce qu’ils ont appris, former leurs équipes, et renforcer leur scène. Shift aide à construire une structure là où il n’y en avait pas. Pas en important un modèle, mais en révélant des ressources déjà présentes et en donnant aux scènes locales les moyens d’agir, de transmettre, et de durer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la scène cocktail du Kazakhstan ?
C’est une jeune scène ambitieuse, avec du potentiel. Sa force, c’est l’ancrage multiculturel du pays : carrefour nomade, route de la soie, terre d’exil pour des générations d’artistes, de penseurs, de scientifiques.
Cette complexité se reflète aujourd’hui dans l’hospitalité. Depuis 2 ou 3 ans, on voit émerger des établissements plus expérimentaux, des formats nouveaux, une vraie envie d’aller plus loin. La guerre de 2022 a aussi eu un impact, avec l’arrivée de profils variés et qualifiés, menant à une intégration, un croisement de regards qui enrichissent la scène.
J’ai observé cette évolution à travers mes 2 formats lancés au Kazakhstan. De nouveaux lieux ont ouvert. Les séminaires attirent toujours mais aussi un nouveau public : aux guest-shifts, on voit désormais plus de vrais clients, curieux, impliqués. La culture cocktail dépasse peu à peu l’industrie.
Comment envisagez-vous cette scène à l’avenir ?
Elle va continuer à évoluer, non pas en imitant les grandes capitales mais en formulant son propre code culturel. Les bartenders voyagent, échangent puis reviennent construire localement, avec un vrai positionnement.
Shift accompagne ce mouvement pour que chaque scène grandisse par elle-même. Et quand nous recevons un soutien local – comme lors de notre collaboration avec le Bureau du tourisme pour Almaty Bar Shift –, cela permet d’aller plus loin, plus vite, et de façon plus visible. L’avenir ne viendra pas des vitrines habituelles mais de scènes plus petites, ancrées, interconnectées. Le Kazakhstan en fait d’ores et déjà partie. Et cela ne fait que commencer.