À l’exportation, c’est une véritable bombe : 97% de l’eau-de-vie des Charentes est consommée à l’international, dans près de 150 pays. Un spiritueux qui honore le terroir français ! Barmag a rencontré certains de ses artisans comme Alexandre Gabriel (vice-président du BNIC) ainsi que des producteurs indépendants, pour dresser un bilan.
97% du cognac est vendu à l’export. Malgré l’inflation mondiale, le marché à l’international demeure toujours dynamique.
Alexandre Gabriel : À l’instar de tous les spiritueux qui se trouvent confrontés au ralentissement économique, le cognac obéit à la règle. En 2022, la France a exporté un peu plus de 212 millions de bouteilles, soit une baisse de 4% par rapport à 2021. Le pays se positionne à la 5e place du marché. Les Français s’intéressent de plus en plus au cognac. J’attends ce moment depuis que je suis à la tête de Maison Ferrand, c’est-à-dire 34 ans. Il faut savoir que le cognac est le spiritueux le plus riche en substances volatiles. Cet AOC fait partie du premier ingrédient de l’histoire de la mixologie avec le Mint Julep qui, suite à la crise du phylloxéra, a été remplacé par le whisky bourbon.
Quel regard portez-vous sur les États-Unis, premier marché du cognac à l’export ?
AG : Les grandes maisons sont dominantes grâce à Hennessy, Martell, ou encore Rémy Martin. En tant que producteur indépendant, la Maison Ferrand se livre à un gros travail d’éducation.
Nous avons une filiale aux États-Unis, composée de 20 personnes. Nous organisons 30 masterclass par mois dans tout le pays. J’en fais d’ailleurs quelques-unes. La consommation du cognac est dédiée au cocktail, elle fait partie de l’expérience gastronomique.
L’Asie campe toujours à la deuxième place ?
AG : Pour des pays comme la Chine ou Singapour, l’implantation est liée aux traditions britanniques. Le cognac est dégusté pur, en long drink et à table, comme à Guangzhou. La population chinoise consomme surtout du VSOP pour son côté boisé, structuré et abordable aromatiquement.
Quand on est une PME, c’est assez difficile de se frayer un chemin. Heureusement, une grosse communauté de jeunes bartenders revenant d’Europe utilisent le cognac en cocktail. Nous avons désormais une équipe de 4 personnes en Asie, où nous avons installé une structure au Vietnam et à Hong Kong.
Le marché britannique est-il toujours aussi dynamique ?
AG : C’est un débouché historique. Vous découvrirez dans le livre Punch, de l’historien du cocktail David Wondrich, que le cognac figure parmi les ingrédients principaux de cet ancêtre du cocktail en Grande-Bretagne à l’époque des grands lords. Aujourd’hui, il investit les palaces, les hôtels de luxe et les speakeasies.
Les Anglais sont friands de cognac davantage que de whisky. Le plus gros marché de la Maison Ferrand, c’est l’Écosse. Les marchés d’Afrique du Sud et du Nigeria sont également en croissance pour l’histoire liée à la tradition du cocktail et l’approche gastronomique.
2023 est-elle la promesse de belles cuvées pour l’export ?
AG : C’est une très belle année qui permet d’accroître notre réserve climatique en stockant l’excédent de nos récoltes pour pallier les aléas climatiques. La limite s’élève à 10,5 hectolitres, et nous avons réalisé 14 hectolitres.
Nous bénéficions aujourd’hui d’un centre de recherche de 28 chercheurs qui travaillent sur le cognac de demain, la résistance des cépages, sans oublier les problèmes climatiques. Le cognac a de beaux jours devant lui !
Témoignages de producteurs de cognac à l’export
Merlet : une nouvelle stratégie sur des produits de niche
Grand spécialiste de liqueurs et du cognac, la maison gérée par les frères Luc et Pierre Merlet réalise 75% de son chiffre d’affaires à l’export pour la partie eau-de-vie de vin. « Notre premier marché : les États-Unis, où nous avons démarré en 2010 avec nos gammes VS et VSOP. Quand on est un petit producteur, il faut se battre pour placer nos produits, reconnaît Luc Merlet.Pour faciliter la tâche de nos importateurs, nous passons par un système de précommande auprès de nos clients. En parallèle, nous avons enregistré une belle progression sur le marché européen. Nous nous faisons connaître auprès de la communauté du bar, notamment en programmant des guest shifts lors de grands événements dédiés au cocktail, comme l’Athens Bar Show. Pour la prochaine édition, nous organisons une soirée avec le bar danois Bird à Kolokotroni 9, un établissement connu à Athènes. »
Luc lance aujourd’hui des éditions limitées comme la collection Crus Singuliers, un Single Estate Cognac, autour de propriétés sélectionnées par la famille Merlet afin de mettre en avant un terroir et des personnalités du cognac. « Pour des marchés comme l’Europe du Nord, il y a une vraie demande sur ce genre de cognac. » précise-t-il. À découvrir rapidement !
Martingale : une nouvelle marque destinée à l’international
Derrière Martingale se dissimule Guillaume Thomas, issu d’une famille de grands producteurs de cognac. « Mon grand-père a acheté une ferme dans les années 1920 avec 20 hectares de vigne, puis il a construit une distillerie. Le domaine possède désormais ses propres chais et 250 hectares d’exploitation. »
Cet ancien directeur financier de Pernod Ricard pour l’Amérique du Nord a levé des fonds avec des investisseurs américains pour créer cette marque distribuée dans un premier temps pour le marché US. « Bien que nous ayons créé notre stock de fûts, nous n’avions jamais commercialisé notre propre cognac. Pour moi, c’était le moment de rendre hommage à mon grand-père », précise le fondateur.
Lancé début octobre dans un superbe flacon biseauté, Martingale est un assemblage de 4 grands crus (avec un focus sur celui de Borderie) et vieilli entre 5 et 7 ans. « Martingale raconte notre histoire. Il se caractérise par un profil élégant et peu boisé, avec un tarif à 120 dollars la bouteille », précise Guillaume Thomas.
Des caractéristiques qui répondent aux critères des amateurs de cognac outre-Atlantique. La communication est soutenue par l’un des investisseurs : le célèbre rappeur Derrick T. Jones, alias DJ D-Nice. Un atout !
Tesseron : un cognac dédié à la mixologie
Installé sur 2 domaines, dans la région de la Grande Champagne et en Petite Champagne (Saint-Surin), cette maison, fondée en 1905 par Abel Tesseron, commercialise depuis seulement 20 ans sous son propre nom son incroyable collection de cognacs. « Nous donnons une belle image de notre cognac à travers notre positionnement sur des palaces et restaurants étoilés en France. L’export représente 80% de notre chiffre d’affaires, avec comme principaux débouchés les États-Unis et l’Asie », détaille Frédéric Cazebonne, directeur France de la Maison.
La spécificité : un focus sur les cognacs XO. En 2020, la maison a dérogé à la règle en lançant « Composition », un cognac entre VS et VSOP dédié à la mixologie, notamment pour le marché américain. « Nous avions eu des demandes sur les États-Unis et la France pour un cognac plus jeune, facile à mixer, à un tarif accessible », commente l’expert.
Caractérisé par un bouquet aromatique rond, frais et légèrement épicé, ce cognac est un assemblage de 2 grands crus : la Grande Champagne et la Petite Champagne. Une pépite en cocktail pour tous les pays !