Elles sont mitonnées à partir d’un processus proche de la fermentation de la bière : depuis quelques années, le marché du cidre, du kombucha, du kéfir et autres boissons fermentées connaît en France une dynamique avec de jeunes acteurs novateurs et des consommateurs en quête de liquides allégés en alcool ou à zéro degré. Panorama d’une catégorie en effervescence.
Voilà déjà 2 mois que le « Dry January » est terminé. Pour garder une vie sociale, les buveurs de bière qui ont respecté ce régime sec sans alcool pendant 4 semaines ont dû chercher des alternatives.
Lors de sa 9e édition, Planète Bière, le salon dénicheur des tendances brassicoles (les 19 et 20 mars auCentquatre-Paris) s’est justement penché sur le sujet en lançant la section « Drink Mania ». Réservée aux boissons fermentées, celle-ci propose aux visiteurs de découvrir une catégorie pétillante, créative et avec du goût pour accompagner des moments de consommation autour de l’apéritif et à table. En quelques années, bars, restaurants, coffee-shops et autres cavistes ont ajouté à leur carte et sur leurs étagères un panel de marques inédites de cidre, de kombucha ou de kéfir qui cherchent à s’imposer dans le monde concurrentiel des boissons sur cette niche.
Basé aux Buttes-Chaumont à Paris, le Paon qui boit est la première cave de produits allégés et sans alcool. Elle a ouvert en avril 2022. Parmi ses 400 références, la boutique propose un vaste choix de producteurs de kombucha et de kéfir majoritairement d’Île-de-France, et des cidres désalcoolisés.
« Nous suggérons le kombucha comme un produit de grand cru pour ceux qui cherchent une alternative au vin », précise Maud Catté, la cofondatrice.
Le cidre, une boisson de terroir en plein renouveau
Inscrit dans le patrimoine gastronomique français depuis 2014, le cidre représente l’une des boissons fermentées les plus connues des consommateurs français. Aujourd’hui, ce jus pétillant et alcoolisé, à base de pommes à cidre (plus de 1 000 variétés) est réalisé à partir d’une fermentation naturelle enclenchée par des levures sauvages. Jadis cantonnée à des instants de consommation ponctuelle comme la Chandeleur et la Galette des rois, il connaît depuis quelques années une renaissance grâce à une nouvelle vague de jeunes producteurs français.
« Le cidre a toujours eu un capital de sympathie. Ce mouvement de création de marques est très intéressant car il a dynamisé une nouvelle génération de producteurs et attiré une jeune clientèle », selon Jean-Louis Benassi, directeur de l’Union nationale interprofessionnelle cidricole, qui lance fin avril une box Printemps de Cidre pour dévoiler au grand public ses 5 styles de la catégorie.
La marque pionnière de ce renouveau ?
Sassy, créée en 2014 sous l’impulsion de 2 amis d’enfance normands : Xavier d’Audiffret-Pasquier et Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. Sassy a chahuté les codes traditionnels de ce produit de terroir grâce à une bouteille design sous 2 formats (33 et 75 cl, comme la bière) et à des recettes modernisées.
« Nous avons été les premiers à attaquer le CHR. Notre objectif est de rendre le cidre accessible », explique Maxime Lesage, directeur commercial Sassy France. Une marque qui fait désormais figure de modèle. Toujours à la pointe de l’innovation, celle-ci s’est lancée dans la tendance du sans-alcool avec un cidre 0,0%.
Autre jeune maison avant-gardiste : Galipette, qui s’impose depuis son lancement en 2016. Son objectif : démocratiser le cidre en respectant le travail des pomiculteurs et le savoir-faire traditionnel, en collaboration avec la plus ancienne coopérative de pommes de France, les Celliers Associés.
« Galipette signifie joie de vivre, c’est un nom très significatif de la philosophie de la marque ! Nous proposons une gamme complète réalisée à partir de 100% de jus de pomme sans sucre ajouté, conditionnée dans des bouteilles de bière. Nos produits sont adaptés à tous les goûts, avec des innovations comme le cidre rosé et le cidre bio », explique Michael Nordblom le cofondateur.
La nouvelle passion pour ce produit du terroir français a conduit au développement d’établissements spécialisés comme la Cidrerie (2 établissements : Batignolles et Canal Saint-Martin), fondée par Benoit Marinos. À la tête de 2 bars-caves à Paris, cet expert propose à la pression, en bouteilles (80 références) et en cocktails, des cuvées artisanales venues du monde entier dans un cadre cool comme un bar à bières.
Le kombucha et le kéfir, des boissons bien-être mais aussi avec du goût
C’est une tendance débarquée des États-Unis. Le kombucha est reconnu pour ses effets bénéfiques sur la digestion et le système immunitaire. Il s’agit d’une boisson probiotique, confectionnée à partir de la fermentation de thé au profil aromatique proche du cidre et une teneur en alcool généralement à moins de 0,5%.
Aujourd’hui, ce breuvage vertueux a trouvé un autre usage : « La nouvelle vague de producteurs ne recherche pas le côté probiotique mais une alternative au soft drink trop sucré. On privilégie maintenant le goût », explique Théodore Becquart, fondateur de l’agence de conseil brassicole Brewing Theory qui collabore avec plusieurs marques de kombucha.
Le goût est en effet le fer de lance de la marque parisienne Archipel fondée par Achille Miklitarian, diplômé de HEC, et Pierre Faudot dit Bel, docteur en chimie.
« Notre but est de produire un kombucha non pasteurisé et qui fait sens. Dès le départ, nous avons planché sur une recette gustative avec un goût accessible. L’une de nos particularités ? La recherche de matières premières locales autres que le thé. Par exemple les feuilles d’arbres fruitiers, comme le figuier », explique Achille Miklitarian.
Même axe pour Koko kombucha, qui a sorti 3 parfums conditionnés dans des bouteilles de 33 cl stylées : brut, framboise hibiscus, et gingembre citron.
« Koko kombucha repose sur le concept de dégustation plaisir. Les produits peu sucrés se marient très bien avec des plats raffinés », souligne Lara Chetail, la créatrice.
Pour Fermenting & Co, kombucha artisanal des Sables-d’Olonne lancé en 2021, ses créateurs gardent la philosophie du bien-être avec un sourcing de produits aromatiques. À tester les yeux fermés : kombucha « Detox », à base de charbon actif et de menthe.
L’originalité des recettes a déjà séduit l’univers du cocktail. Du côté du monde de la bière, certaines brasseries ont pris le parti de s’investir dans la boisson probiotique au lieu de la bière sans alcool. La Brasserie du Pays Flamand vient ainsi de lancer sa gamme biologique Noko, déclinée sous 3 recettes pasteurisées : houblon, menthe poivrée, houblon et framboise.
« Le kombucha est une boisson technique alors que la bière sans alcool est une boisson technologique. Le CHR s’est montré très réceptif à Noko. On a déjà des demandes de fûts de la part de bars de la région du Nord », commente Mathieu Lesenne, le cofondateur.
Le kéfir, autre boisson fermentée probiotique, gagne petit à petit sa place sur ce créneau confidentiel. Il est élaboré à partir de grains de kéfir fermentés dans du lait ou du jus de fruits. Ce liquide « bon pour la santé », au caractère acidulé, est réputé facile à produire à la maison, ce qui n’a pas empêché certains entrepreneurs de plancher sur des recettes à consommer à l’heure de l’apéro.
Installée près de Bordeaux, la brasserie Parallèle ne produit pas de la bière mais un kéfir à base de fruits, entre une limonade peu sucrée et une bière blanche rafraîchissante. Déjà 3 produits : original, passion, et gingembre piment d’Espelette. Distribuée dans toute la France, Parallèle a déjà d’autres projets : une limonade à base de houblon.
Une ouverture vers de nouvelles boissons fermentées
Ce marché en ébullition inspire les âmes créatives et expérimentées : 2 ex-collaboratrices de Kronenbourg ont imaginé Yoleau, une boisson fruitée légèrement alcoolisée à 4,5%, fermentée à partir d’eau de framboise et de sucre puis infusée avec des gousses de vanille. Non, ce n’est pas là un nouveau hard seltzer ! À dresser dans un verre à cocktail plutôt que dans un verre de pinte.
Le carton du prochain été 😉 !