Après avoir brillé au Prince de Galles, cet auteur aux doigts d’or a pris le gouvernail des 3 bars du nouvel hôtel 5 étoiles du groupe LVMH, basé à Paris. Créativité, technicité et raffinement restent les mots d’ordre.
Rencontre avec cette belle figure de la mixologie de l’hôtellerie de luxe.
Il est 15h30. Nouvelle coupe un brin rock & roll et costume au style vintage signé par la Maison Patou : Florian Thireau attend l’équipe de Barmag.
Il campe derrière le comptoir marbré du bar au 7e étage de l’hôtel le Tout-Paris, doté d’une vue incroyable sur la Seine.
Florian Thireau nous dévoile sa nouvelle mission et ses cartes de cocktails du Cheval blanc.
Le Prince de Galles était ta première expérience dans le monde du luxe ? Dans cet univers étoilé, qu’as-tu appris ?
J’ai intégré le monde du luxe d’abord par le biais de restaurants étoilés Michelin, à Reims et en Bourgogne. Le Prince de Galles est ma première expérience dans un hôtel 5 étoiles. Là-bas, j’ai appris une notion essentielle : la rigueur. Dans cet univers, nous nous concentrons sur le service et le client, ce qui nous oblige à toujours être performants. L’hôtellerie de luxe procure en outre certains avantages, comme des moyens financiers afin de faciliter notre créativité.
Comment a démarré l’aventure au Cheval Blanc?
Avant d’entamer une expérience professionnelle, je prends toujours un temps de réflexion. J’aime avoir du recul sur ce que j’ai fait. Au Prince de Galles, je suis resté 2 ans et 7 mois. C’était dur mais très intéressant.
Je me suis posé la question de rester dans le luxe. Je ne pouvais ni partir à l’étranger car ma compagne américaine est basée à Paris, ni retourner dans un street bar. Le Cheval Blanc est arrivé à pic. Une amie m’a informé qu’elle répondait à un appel d’offres pour un hôtel qui s’installait dans les murs de la Samaritaine. C’était la première fois que j’entendais parler de cette chaîne de luxe hôtelière. J’ai envoyé mon CV et passé 5 entretiens, qui ont duré jusqu’à 3 heures.
Dès mon embauche, j’ai pu construire l’identité des 3 bars et intervenir sur l’installation des stations. Aujourd’hui, je chapeaute une équipe de 18 personnes au côté de Sébastien Labe, mon N+1, une personne formidable qui m’accompagne au quotidien. L’organisation d’un bar d’hôtel réclame sans cesse une remise en question.
Qu’as-tu fait pendant les différentes périodes de confinement avant que l’hôtel se mette en place?
J’ai rédigé mon second livre, un abécédaire ludique autour de 200 cocktails classiques, qui devrait paraître courant 2022. On peut l’utiliser dans tous les sens entre la variété des ingrédients (ils sont tous répertoriés), les différentes techniques, et l’histoire de chaque cocktail. C’est un outil pour accompagner la nouvelle génération de barmen et pour compléter The Cocktail Book, récompensé par 2 prix cette année, au Spirit Awards et à l’International Book Awards. Les gens n’attendaient pas autant de partage et de transparence dans cet ouvrage.
Revenons au Cheval Blanc, qui a ouvert le 7 septembre. Il réunit 3 bars. Quel est le concept de chacun d’eux ?
Aujourd’hui, je travaille avant tout pour mon métier. J’ai eu le bonheur d’avoir atteint une maturité professionnelle qui me permet de travailler différemment les cocktails. Malheureusement, la Covid m’a fait perdre mon palais pendant 8 mois. Nous avons pu boucler les cartes de cocktails, juste avant l’ouverture.
Ici, le programme cocktail est 5 fois plus important que celui du Prince de Galles. Le premier bar au rez-de-chaussée, le Limbar propose des concepts, alors que le Tout-Paris et le bar de la terrasse du 7e étage sont un clin d’œil à la capitale avec des cocktails classiques créés ou popularisés en France. La carte est identique pour ces 2 bars du 7e étage, et divisée en deux parties, la première d’inspiration française, et la seconde internationale. Les cocktails twistés avec notre touche sont écrits de manière simple, sans marque, et accompagnés d’une petite histoire : un dry Martini avec huile d’olive et bergamote, un Negroni aux baies de Timur, un spritz avec du fruit de la passion, ou encore un Cosmopolitan avec un sirop maison grenadine.
Côté technique, tous nos agrumes sont clarifiés, ce qui permet notamment de donner une bulle plus pétillante pour nos cocktails au champagne. Nous avons des verres de la maison Lehmann dont deux sur lesquels j’ai travaillé, adaptés à l’univers du bar de luxe. Nous n’avons pas de contrat en exclusivité avec des marques d’alcool. On cherche avant tout à réunir une collection de spiritueux qui soit cohérente et maîtrisée.
Comme au Prince de Galles tu disposes d’un laboratoire. C’est à ton initiative ?
Oui, c’est un sujet que j’ai abordé dès l’entretien d’embauche. Les gens ne se rendent pas compte de l’importance d’un laboratoire. Pour obtenir un espace dans l’office du Limbar, il nous a fallu nous battre. Aujourd’hui, celui-ci tourne entre 12 et 14 heures par jour. Nous produisons nos propres sirops, nos cordiaux, nos jus et la gazéification de nos cocktails.
Pour calibrer parfaitement nos ingrédients et recettes, nous sommes équipés du matériel de base : balances, thermoplongeur, micropipettes, agitateur à tige rotative, brixmètre pour mesurer le taux de sucre. Pas de rotovap car nous n’avons pas le temps d’utiliser un type de matériel qui exige beaucoup de temps pour une seule distillation. Au fur et à mesure, les cartes de cocktails évolueront vers davantage de précision et de maîtrise.
Le Tramonto (Twist du French 75)
- Ingrédients :
- 40 ml de gin Beefeater
- 25 ml de citron jaune clarifié
- 15 ml de sirop de sucre riche
- 1,25 ml de Peychaud bitter
- 40 ml de champagne
- Réalisation :
- Au shaker. Terminer par le champagne.
Bar Limbar et le Tout-Paris au Cheval Blanc — 8, quai du Louvre – 75001 Paris