Le projet ambitionne de produire, en 2022, 100 millions de pailles issues des champs français. Associés à Jérôme Jouy, agriculteur dans l’Orne, et à Baptiste Simondi, les trentenaires Victor Silvestre et Adrien Grémont, nous content leur aventure. Rencontre avec Adrien Grémont.
Comment est née la Paille des champs ?
Depuis l’interdiction de la paille en plastique, les solutions jusqu’alors trouvées pour la remplacer n’ont jamais été convaincantes. Les pailles en Inox et en bambou sont difficilement lavables et donc peu hygiéniques. Celles en carton et en papier se ramollissent en bouche ou dans le verre et entraînent une expérience utilisateur désagréable. Quant aux pailles en pâtes, bien qu’en partie naturelles, elles demandent une transformation qui reste coûteuse.
Au final, l’insatisfaction est donc totale du point de vue tant des acteurs du CHR que des consommateurs. Aussi, nous avons décidé de revenir à l’origine de la paille en nous inspirant notamment des Chinois qui fabriquent des pailles naturelles. En France, nous avons une multitude de champs, alors pourquoi ne pas tenter l’aventure ?
Concrètement, comment transformez-vous une paille des champs en une paille au service du consommateur ?
En 2021, nous avons fait un test grandeur nature sur un hectare, soit une surface à même de produire un million de pailles. Nous avons opté pour de l’avoine. Après avoir récupéré les céréales, l’agriculteur nous a laissé les tiges encore plantées dans le champ, et nous les avons récoltées.
Lors de cette première étape, nous avons testé plusieurs outils et méthodes (machine à découper le lin, débroussailleuse, moissonneuse-batteuse, à la main…) qui rendaient la tâche fastidieuse, ou qui abîmaient la paille. Nous avons alors choisi un outil d’autrefois, la faucheuse-lieuse qui, une fois attelée sur un tracteur, coupe la paille pour en faire des petits fagots.
La récolte étant maîtrisée, les étapes suivantes ont été le lavage et le séchage et enfin la découpe. Cette partie est la plus longue car si la paille est naturellement vide à l’intérieur, il faut la couper entre 2 nœuds de croissance. Pour que l’aspiration de la boisson soit confortable, il lui faut aussi répondre à des normes : une longueur de 16 à 18 cm, et un diamètre adéquat (2 à 3 mm).
Comment procédez-vous pour cette découpe ?
Nous collaborons avec un ingénieur, qui développe actuellement une machine capable d’identifier les nœuds de croissance et de couper les tiges en deux. Une machine capable de déterminer si la paille entre dans le calibre que l’on s’est donné. Comme il s’agit d’une démarche innovante, nous nous sommes rapprochés de la BPI pour obtenir une subvention de 30 000 euros.
L’outil sera finalisé en décembre et la récolte de cette année – 6 à 7 millions de pailles sont actuellement stockées – passera à la découpe début février pour un produit présentable et vendable à partir du printemps.
Comment allez-vous commercialiser ces pailles ?
Nous allons nous rapprocher des acteurs du CHR, en nous appuyant notamment sur notre propre réseau. L’objectif est de leur vendre des lots de pailles à 5 centimes l’unité par abonnement mensuel, selon leurs besoins et avec la possibilité de le suspendre dès qu’ils le souhaitent.
Cette année, nous en produirons entre 6 et 7 millions. L’année prochaine, 30 millions. Nous avons déjà semé en octobre en conséquence. Et en 2024 100 millions, sachant qu’un bar ou un restaurant à Paris peut consommer jusqu’à 300 000 pailles par an. Au total, nous avons investi 400 000 € pour parvenir à notre dessein.