Définir talaé, c’est à la fois un exercice simple et complexe. Bien sûr, il s’agit d’un bar à cocktails niché au coeur de l’hôtel Royal Madeleine mais pour le comprendre réellement, il faut se pencher sur ses multiples influences et engagements.
Talaé (« bouture » en latin) est un bar d’hôtel situé dans le 8e arrondissement, factuel mais réducteur. Vert, bois, blanc et or : le ton est tout de suite donné, la nature se veut lumineuse. Les plus clairvoyants pourront imaginer qu’il en sera ainsi dans le verre.
La pensée de Fayçal Mokhchane, le maître des lieux, s’articule autour de plusieurs idées, à commencer par la mise du produit au centre de l’expérience. Bon nombre de bars à cocktails tendent à mettre au premier plan l’alcool utilisé dans chaque création ; ici, il n’en est rien. La boisson fermentée ou distillée entrant dans l’élaboration du cocktail ne sera même pas indiquée sur le menu. Simple ingrédient, elle aura pour but de mettre en lumière la star du show, qu’il s’agisse d’un légume, d’un fruit ou d’une graminée.
Tout semble construit autour de cet élément central, chaque autre acteur lui donnera la réplique et le fera résonner. La tête d’affiche pourra même être intégrée sous forme d’eau-de-vie, retranscrivant sa quintessence aromatique. Cornichon, radis noir ou encore cep, tout y passe. C’est chez Baccae, la distillerie du 4e arrondissement, qu’ont lieu ces distillations.
À la manière d’un cuisinier, l’équilibre et l’assaisonnement se révèlent primordiaux pour Fayçal. Simple figurant ou véritable second rôle, tous les composants ont leur partition à jouer. Pour l’un renforcement ou déclinaison de la saveur principale, pour un autre, vecteur de longueur ou encore pointe d’amertume ou de salinité, l’oeuvre complète ne pourra s’apprécier que dans la somme de tous les ingrédients.
Ces derniers sont au centre de toutes les attentions, dans leur sourcing (aussi local que possible), dans leur maturité (optimale), et aussi dans la manière dont ils sont travaillés.
Pas question d’utiliser des produits hors saison. C’est là un des marqueurs qui définissent Talaé : la saisonnalité des fruits et des légumes… Davantage de goût, davantage de sucre naturel, et une démarche durable. Cette préoccupation se traduit également par une réflexion sur le zéro-déchet, en donnant régulièrement une seconde vie aux végétaux non intégralement utilisés par le restaurant de l’hôtel. Infusions, sirops et garnishes voient ainsi le jour.
Tous ces axes de réflexion ne sont pas vus comme une contrainte mais bien comme une source d’inspiration et de renouvellement.
Et la carte alors ? Celle de cet été se compose d’une petite dizaine de cocktails, dont 3 sans alcool. De manière très commode, le pourcentage alcoolique est d’ailleurs indiqué sur la carte en face de chaque création, en outre simplement décrite par un trio de composants.
Il y en a pour tous les goûts : boisson où la fraîcheur l’emporte avec acidité, légère amertume, touche salée et arômes fruités, c’est le Kirby. Parfait pour s’ouvrir le palais.
Dominante empyreumatique sur le Alain Souchong avec sa déclinaison de notes fumées, issues du gin infusé au thé lapsang souchong, du mezcal et du sel fumé. L’apport du CO2 dilate encore l’intensité gustative.
Verdeur au programme du Sweet Pea dans lequel petits pois, wasabi et vinaigre de riz jouent les uns avec les autres et se répondent sur une partition toute végétale et herbacée.
Je termine par mon coup de coeur, le Kokumotsu. Un nez torréfié sur la céréale, une mousse onctueuse et duveteuse au shōchū d’orge et puis c’est le sésame qui prend le relais, après une transition rondement menée. La sauce soja salée fait écho à la trame céréalière, autant au nez qu’en bouche. J’aimerais m’immerger dans une baignoire remplie de ce doux breuvage.
J’ai hâte de tester la future carte automnale !
Passage Puteaux – 75008 Paris – 01 88 32 74 27