En 2017, cette juriste reconvertie en barmaid a ouvert discrètement un bar à boissons bien ciselées dans le quartier de Belleville : Combat. En 2024, elle figure parmi les actrices les plus influentes de la scène parisienne et coiffe la casquette de cheffe exécutive mixologie du groupe Ducasse. Rencontre.
De juriste dans le secteur musical, comment devient-on une pointure de la mixologie ?
Je me suis toujours intéressée à l’univers des spiritueux, aux vins nature, en passant par la bière artisanale… En 2014, de retour d’un long séjour à New York j’ai eu la chance d’intégrer le groupe Experimental Cocktail Club. Je suis restée 3 ans au bar, où j’ai appris mes gammes cocktail et surtout la rigueur.
Après l’aventure de l’entrepreneuriat avec ton bar Combat, tu te frottes aux hautes sphères de la gastronomie aux côtés d’Alain Ducasse. Votre rencontre a été un coup de foudre ?
Ce n’était pas un coup de foudre car elle n’était pas fortuite. Nous avions rendez-vous à Combat parce qu’il cherchait quelqu’un pour chapeauter la partie cocktail de son restaurant les Ombres. Alain Ducasse a une vraie culture cocktail. Nous nous sommes découvert des goûts très similaires : moins de sucre, davantage d’acidité, l’amour de l’amertume.
J’avoue aujourd’hui que depuis le début de notre collaboration, mon palais a évolué.
Ta façon de travailler a elle aussi changé depuis ton arrivée dans le prestigieux groupe de Ducasse ?
Quand je suis arrivée dans le quartier populaire de Belleville pour monter Combat, le cocktail était inexistant et pour m’imposer, j’ai dû opérer des compromis. À l’inverse, depuis ma signature au sein du groupe Ducasse, j’assume plus mes goûts et je fais moins de concessions.
Aujourd’hui, tu collabores pour 3 adresses du groupe Ducasse : Benoît à New York, les Ombres et Dalí à l’hôtel Meurice à Paris. Le style des cocktails est différent selon l’établissement ?
Benoît ressemble à un bistrot à la française, marqué par un côté titi parisien. Je propose ici des twists de classiques mixés avec des spiritueux français comme l’absinthe ou la Suze.
Pour les Ombres et sa terrasse, les cocktails sont très liés à la cuisine et ont un style plus estival. Nous avons travaillé l’an passé sur une proposition de 5 variantes de Negroni. Notre fleuron est le Bramora, une resignature du Bramble à base de crème de mûre, de mezcal, de vinaigre de géranium, de mûre, et de fleur de reine-des-prés.
Pour Dalí, je ne souhaitais pas être derrière le comptoir et je cherchais à apporter quelque chose d’original tendant vers le kitsch. J’adore ça ! Je me balade tous les jeudis avec un trolley en proposant une sélection de cocktails des années 1980 comme le Porn Star Martini travaillé avec des ingrédients empruntés à la gastronomie. J’ai carte blanche dans la sélection des spiritueux et des distributeurs, et je travaille main dans la main avec le chef exécutif Amaury Bouhours. J’adore sa cuisine et nous nous partageons des recettes solide et liquide.
L’avantage d’officier dans le groupe, c’est d’avoir accès à toutes les manufactures entre le chocolat et le café. J’aime travailler le côté brut du produit. Ce n’est pas un hasard si je travaille avec Alain Ducasse : j’ai toujours apprécié les pairings mixologie et gastronomie.
Avec le chef barman Raphaël Blanc, tu es accompagnée d’un bon partenaire dans cette aventure.
Raphaël, je le connais depuis longtemps. Lorsque le groupe Ducasse m’a proposé ce poste de consultante, il quittait le bar Sherry Butt. J’ai tout de suite pensé à lui pour m’accompagner dans ce projet.
En même temps qu’un excellent palais, il possède de très bonnes connaissances techniques et c’est un érudit du whisky. Nous avons les mêmes goûts et nous nous complétons dans nos missions pour le groupe.
Combat a-t-il gardé le même fil conducteur depuis ta collaboration avec le groupe Ducasse ?
Ce sont Mégane et Zoé qui ont repris la direction. L’identité que j’ai insufflée est toujours présente mais ces 2 bartenders apportent une nouvelle dynamique.