Auteur d’une vingtaine de livres sur les bars et les bistrots, le journaliste auteur Pierrick Bourgault, ingénieur de formation et titulaire d’un DEA en anthropologie, vient de publier aux éditions Ouest-France, « Voyage dans les bistrots de l’Ouest ». Véritable ode aux comptoirs de campagne où d’origine, l’ouvrage vise à signifier leur importance sociétale et leur nécessité, tels des points d’ancrage territoriaux.
Loin des cocktails derniers cris et des effluves de m’as-tu-vu qu’entraîne parfois la fréquentation de certains établissements à la mode, Pierrick Bourgaud joue, avec Voyage dans les bistrots de l’Ouest, la carte de la réminiscence et du retour aux sources.
Plus proche de « L’amour est dans le pré », voire de feu l’émission « Strip-tease » que de « Danse avec les stars », l’ouvrage, telle une caméra posée dans les bistrots de garde, tend à refléter la réalité de notre terroir par le biais de ses estaminets.
«Qu’il s’agisse de l’ouest de la France ou des autres territoires et pays dans lesquels je vais, j’essaie toujours de trouver un bistrot reculé du monde, intimiste, un café d’habitués pour écouter les gens et prendre le pouls de l’atmosphère ambiante, explique-t-il. Ce sont des microcosmes. Un peu comme des lieux privés ouverts au public, souvent dirigés par des personnalités locales emblématiques autour desquels gravitent des personnages tout aussi intéressants. Dans cette époque où l’on commande son repas sur Uber Eats, situé à San Francisco, livré par des réfugiés maliens sur des scooters chinois… pour finir à manger tout seul sur son canapé, il m’apparaît essentiel de remettre au goût du jour les valeurs du bistrot : sa réelle convivialité et sa qualité de vie. D’autant plus quand paradoxalement, on ne parle que de consommer local, de retour à la proximité, d’empreinte carbone…».
Se réinventer pour survivre
Y faire une pause, portant les valeurs d’un refuge, les bistrots écumés par Pierrick Bourgaud sont dans son livre au nombre de 40. Si une moitié des bars de chasseurs et de braconniers dans la forêt de Bercé, des tavernes de bûcherons, situées dans la Sarthe ont fermé, l’autre moitié flirte encore avec l’avenir tout en conservant ses saveurs d’antan.
«Ceux qui tiennent se réinventent en café-librairie, comme en Bretagne où l’on en compte une vingtaine, dont le Tagarin, situé à Binic-Étables-sur-Mer, détaille-t-il. D’autres sont dans la transmission, à l’instar du mythique Ti Beudeff, sur l’Île de Groix, créé en 1976 et dont la cinquième génération est désormais aux commandes. Certains sont portés par un ADN fort comme le Tue-mouches à Plurien, un étonnant café-charcuterie où l’on commande sa viande au comptoir avant de la déguster attablé. Parfois ils créent leur propre production de bière comme le Champ Commun à Augan.»
L’histoire d’un lieu et la personnification de celui qui en tient les rênes contribuent également à sa pérennité. Au Mans, Jeannine Brunet alias la Mère Lapipe, 79 ans, qui tient depuis 35 ans le Café du coin dans son salon en est la parfaite illustration. Surmédiatisée (France Inter, LCI, Ouest-France…), elle fut d’ailleurs l’objet d’un ouvrage rédigé par Pierrick Bourgaut.
Enfin, à Nantes, la Perle et ses 35 m², créée il y a 25 ans, est devenue une référence de la vie associative. « Mon livre n’a pas d’autre ambition que de rappeler l’importance des bistrots originelles dans notre paysage », conclut l’auteur. Comme si chacun d’entre eux s’apparentait à une carte postale vivante de notre précieux terroir.
Sélection d’adresses
La Java, l’incontournable bistrot de Saint-Malo
Bistrot de quartier depuis 1820, la Java, également dénommée « Le café du coin d’en bas de la rue du bout de la ville d’en face du port », est le plus ancien bar de Saint-Malo. Classé Monument historique et au Patrimoine européen le lieu est connu pour son patron Jean-Jacques Samoy, mais aussi pour son décor digne d’une brocante, en mode bric-à-brac, constitué de 3 074 objets dont une ribambelle de poupées mises dans des situations hallucinantes qui laissent envisager toutes sortes de scénarios… On y trouve également une cabine d’ascenseur parisien de 1937 que le visiteur des toilettes est invité à traverser, des balançoires faisant office de tabouret. Et entre autres, un gigantesque albatros empaillé en 1870 par les marins qui pêchaient la morue à Terre-Neuve, sans omettre un lustre de château qui survole ce bistrot grouillant de mots et d’histoires.
La Java
3, rue Sainte-Barbe
35400 Saint-Malo