Alexandra Mettetal oeuvre dans l’univers des parfums. Elle nous présente son approche pour les mobiliser dans la création des cocktails.
Alexandra, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Alexandra Mettetal. Â l’âge de 4 ans, dans mon petit village alsacien j’ai réalisé mes premières expériences olfactives. Elles sont depuis mes madeleines de Proust, comme les vapeurs de fruits macérés de la distillerie de schnaps voisine.
Convaincue de ma vocation de parfumeuse, j’ai alors rejoint l’École supérieure du parfum. Mon parcours m’a également amenée à connaître Bertrand Duchaufour. Il est devenu mon mentor. Il me forme chez Technicoflor, une maison de composition de parfum. Bertrand m’a transmis l’audace des overdoses de matières tout en maîtrisant la précision, comme si l’on façonnait une dentelle olfactive.
Qu’est-ce que la « mixologie olfactive » ?
Quand j’ai rencontré Hadrien Moudoulaud à Bar Nouveau, nous avons voulu mutualiser nos passions et nos compétences pour inventer une manière de créer. Notre objectif était de former les barmen à l’olfaction : lorsque l’on demande à quelqu’un de décrire une odeur, on se cantonne à « j’aime » ou « je n’aime pas », ou alors à un simple adjectif. Or les odeurs sont liées à nos émotions et peuvent raviver des souvenirs.
Un cocktail non plus ne se résume pas au goût : tous les sens sont sollicités, y compris l’odorat, pour vivre une expérience inoubliable. Le concept de mixologie olfactive est né de la volonté de comprendre et de donner une méthode simple pour encourager les barmen à les utiliser comme un moteur de créativité.
Quelles sont les étapes pour mettre en place cette technique ?
- Choisir l’élément principal, celui qui constituera le cocktail pour en exprimer l’idée directrice : spiritueux, ou un ingrédient spécifique. Prenons la feuille de figuier.
- Identifier puis décrire les facettes olfactives de cette feuille de figuier, qui possède schématiquement 3 familles olfactives : vert feuille, fruitée-noix de coco, et boisée-santal.
- Enfin, on se concentre sur 1 ou 2 facettes pour les renforcer (avec la même famille d’ingrédients), tout en les mixant avec d’autres familles. Pour la feuille de figuier, accentuer la facette boisée avec des spiritueux macérés en fût de bois de chêne, infusés avec du santal… Et pour créer un contraste, nous pouvons choisir une autre famille olfactive. Par exemple, l’ajout de safran apporte une dimension épicée ainsi qu’une légère facette de fruits secs-miellées-cuirés.
Comment les bartenders peuvent-ils commencer à l’appliquer dans leur bar ?
Apprendre à parler des odeurs demande du temps mais « plus on sent, mieux on sent ». En parfumerie, la classification des ingrédients par familles olfactives nous permet de parler le même langage et aide par ailleurs à concevoir un parfum.
Pour enrichir son vocabulaire il y a la synesthésie, qui permet de faire des analogies entre les sens.
Pour décrire les odeurs, nous parlons de textures (velours, soie), de sensations (chaud, lumineux), de sons (aigus, vibrants), de couleurs…
Enfin, la pyramide des saveurs (ou « pyramide olfactive ») est un outil commun à la mixologie et à la parfumerie. En parfumerie, on évoque souvent une structure en 3 niveaux de volatilité :
- la tête : les notes les plus volatiles, qui offrent la première impression ;
- le cœur : l’intention principale du parfum ;
- le fond : les notes, qui apportent profondeur et longévité.
Cette approche permet de mieux comprendre comment interagissent les différents éléments .