À l’occasion du Whisky Live, Barmag a rencontré Drew Mayville, master blender de cette distillerie emblématique du Kentucky et tout juste élu « Meilleur Ambassadeur de l’année 2025 » par Whisky Magazine. Une belle occasion d’évoquer sa mission et le savoir-faire.
BUFFALO TRACE DISTILLERY est présentée comme la plus ancienne distillerie en activité aux États-Unis. Comment cet héritage influence-t-il encore votre manière de produire du bourbon ?
Notre héritage façonne notre quotidien comme notre futur. Beaucoup de choses ont très bien fonctionné ici au fil des ans ; nous perpétuons donc ces traditions mais nous cherchons aussi à innover en permanence. La distillerie a toujours été une pionnière : premier bourbon single barrel, chauffage des chais en hiver… Et ces 20 dernières années, nous avons investi près de 30 millions de dollars en projets expérimentaux. Certaines créations, comme le bourbon E. H. Taylor, Jr. Four Grain, ont même été élues « Meilleur whisky du monde » en 2018. Innover est fondamental pour nous.
Vous êtes master blender depuis 21 ans à BUFFALO TRACE DISTILLERY. Qu’est-ce qui vous a conduit à ce métier ?
J’ai débuté il y a près de 40 ans chez SEAGRAM, alors numéro un mondial des spiritueux. J’y ai exploré toutes les étapes : distillation, embouteillage, qualité, dégustation. J’ai ensuite travaillé chez DIAGEO avant de rejoindre BUFFALO TRACE DISTILLERY, à une époque où la distillerie était encore peu connue. Aujourd’hui, nous sommes parmi les plus primées au monde.
Quelles sont vos principales missions ?
Elles sont deux : garantir la constance du goût, et créer des expressions. Un BUFFALO TRACE doit avoir aujourd’hui le même profil qu’à son lancement. Et en parallèle, je développe de nouveaux assemblages. Mon mentor disait : « La somme des whiskies que vous assemblez doit toujours dépasser chacun d’eux pris séparément. » Telle est la philosophie qui guide mon travail.
Dans l’art de l’assemblage, quelle est la part d’instinct et celle de la technique ?
L’instinct joue un rôle, mais la technique et la stratégie priment. La constance repose sur un process maîtrisé. Notre distillateur Harlen WHEATLEY est extrêmement rigoureux, ce qui nous permet d’assembler ensuite avec précision et de maintenir la qualité.
Comment définiriez-vous la signature BUFFALO TRACE ?
Nous avons toujours privilégié le goût par rapport à la rentabilité. L’âge cible du bourbon BUFFALO TRACE est resté autour de 7 à 8 ans, ce qui est élevé pour une référence de ce type. Beaucoup auraient réduit pour produire davantage, mais nous avons préféré garder le même profil. C’est cette fidélité qui fait notre signature, à un prix accessible.
Parlons de votre trilogie emblématique : BUFFALO TRACE, EAGLE RARE 10 et SAZERAC RYE. Qu’est-ce qui les distingue ?
Nous avons trois recettes cœur. BUFFALO TRACE incarne le bourbon « rye recipe » : l’équilibre entre douceur du maïs et goût épicé du seigle. EAGLE RARE 10, vieilli 10 ans en fût de chêne neuf, gagne en complexité et en profondeur, avec des notes de fruits noirs et une finale boisée. Beaucoup de novices commencent avec BUFFALO TRACE, puis se tournent vers EAGLE RARE 10 en quête de sophistication. Enfin, SAZERAC RYE incarne le caractère épicé du seigle et de la tradition américaine du whiskey. C’est un incontournable pour les cocktails, à commencer par le « Sazerac », considéré comme le premier cocktail américain, né à La Nouvelle-Orléans.
Qu’est-ce qui distingue vos whiskies de la concurrence ?
Plutôt que de parler de supériorité, je dirais : la variété. Rien qu’à BUFFALO TRACE DISTILLERY, nous avons près de 60 références. Nous proposons un whisky pour chaque palais, et une telle diversité est rare dans le secteur.
Quelle est pour vous la place de l’environnement ?
Tout compte : le bois, le climat, la récolte… chaque variable influence le goût. Notre rôle est de nous adapter à ces différences pour que BUFFALO TRACE DISTILLERY reste fidèle à elle-même, année après année.
Si vous deviez résumer l’esprit « BUFFALO TRACE » ?
Notre devise dit tout : « Honorer la tradition, embrasser le changement. » Quand vous visitez la distillerie, vous sentez cette histoire. Même nos bâtiments récents reprennent l’architecture des anciens chais du XIXᵉ siècle. Et en parallèle, nous continuons d’expérimenter sans relâche. C’est notre culture.
