Il est issu du sérail des barmen tout droits sortis du célèbre groupe Experimental Cocktail. Après plusieurs années de consulting beverage pour cette institution, il ouvre son premier établissement à Nice, reflétant son expertise. Rencontre avec cette sommité de la mixologie.
Bon nombre de grands noms du bar ont croisé ta route. Raconte-nous donc ton parcours.
Je suis originaire de Nice et j’ai suivi une formation en gestion hôtelière. Je suis passé par tous les services d’un hôtel mais ce qui m’a tout de suite séduit, c’est la partie bar. J’ai fait mes armes au Grand-Hôtel du Cap-Ferrat (groupe Four Seasons) et en 2011, j’ai enchaîné au bar du prestigieux Plaza Athénée pendant un an et demi. J’habitais dans le quartier de Montorgueil, à deux pas de la rue Saint-Sauveur, qui abritait l’un des premiers bars de la nouvelle vague cocktail : l’Experimental Cocktail Club.
J’adorais cet endroit ! J’ai eu la chance d’être recruté en 2013 en tant que barman junior aux côtés de 2 personnalités très influentes : Gwladys Gublin, cheffe barmaid, et Pierre-Marie Bisson, assistant manager. Arthur Combe, responsable cocktail du groupe et bar manager du Curio Parlor, m’a formé pendant 3 mois aux méthodes de la maison. Une période très utile car rapidement, mes 2 supérieurs ayant quitté ce beau navire, j’ai été directement promu bar manager alors que je n’avais que 20 ans.
4 années plus tard, j’ai été nommé beverage manager du groupe. Ma mission : la gestion et la direction artistique des cartes de cocktails avec le chef barman de chaque établissement. Pour chaque menu, on privilégie les produits sans concession et on cherche à être créatif sans tomber dans le geek. On s’imprègne le plus possible de la ville où l’on s’installe ainsi que de son patrimoine culinaire.
C’est en 2019 que j’ai commencé à m’émanciper. D’abord en participant à l’ouverture du bar Combat monté par Margot Lecarpentier, ex-barmaid à l’Experimental Cocktail Club ; puis en montant ma société de prestations. Je souhaitais collaborer avec des marques de spiritueux et poursuivre mon activité en free-lance avec le groupe qui avait pour ambition de se développer dans l’hôtellerie, en France et à l’étranger.
Ces plus de 10 années aux côtés du groupe Experimental ont été très formatrices ?
J’ai appris les vraies valeurs du métier et de respect aux côtés des « 3 boys » : Olivier Bon, Pierre-Charles Cros et Romée de Goriainoff, les fondateurs du groupe. J’ai eu l’opportunité de travailler avec une belle drink Team composée de Michael Mas, Simon Chollet ou encore Lucas Maraton, qui m’ont apporté une vision du bar axée sur le service et la clientèle.
Que penses-tu de la scène parisienne d’aujourd’hui, française et internationale ?
Je ne suis pas le mieux placé pour en parler puisque je suis de moins en moins présent à Paris. Je constate la difficulté pour ouvrir un bar en cocktail en tant qu’indépendant.
Du côté de la scène française, le monde du cocktail a vraiment explosé. Si je compare avec l’époque de mes débuts de barman, la clientèle se montre de plus en plus avertie et n’hésite pas à commander des cocktails complexes. Elle s’est beaucoup éduquée pendant le confinement grâce à des livres et à des tutos. Un phénomène qui nous oblige, nous barmen, à dépasser nos limites dans la création de nos cocktails. À l’international, le monde du bar avance sur la technicité, et c’est très stimulant.
Tu viens d’ouvrir ton premier établissement à Nice. Pourquoi pas à Paris ?
C’est un vrai retour aux sources. J’ai fait mes armes à Paris, une ville bouillonnante qui nous happe dans un tourbillon. Nice me manquait et j’ai senti que j’avais ma place ici pour apporter un coup de pouce à la scène cocktail. Voilà quelque temps que l’idée d’ouvrir un lieu me trottait dans la tête.
En tant que consultant, je suis habitué à retranscrire l’approche cocktail de mes clients tout en apportant ma touche. Avec mon bar, je peux partager et ma vision et mon expertise.
Peux-tu nous en dire plus sur ton bar baptisé Povera ?
J’ai choisi de m’installer près du port, dans le quartier des Antiquaires. C’est un endroit de Nice animé par l’ouverture récente de bars et de restaurants. Bien que nous n’en soyons distants que de quelques rues, Povera n’a pas vue sur la mer.
Comme son nom le laisse supposer, le décor est brut, authentique et en outre chaleureux. Je me suis inspiré du concept esthétique japonais Wabi-Sabi, qui fait référence à la cérémonie du thé, pour que le côté design, associé au style bistrot, à travers une sélection de mobilier vintage pour habiller le lieu.
Ta première carte est un clin d’œil au concept épuré du bar…
Ici on n’utilisera pas le terme de concept, mais plutôt de philosophie. Notre volonté avec Damien Lemercier, qui m’accompagne sur ce projet jusqu’en septembre, et Sarah, barmaid originaire de Paris, est d’exploiter le maximum de produits très proches des alentours de Nice. Ils serviront pour élaborer nos produits maison. Povera prend toute sa source dans la cuccina povera : une cuisine de grand-mère et de partage utilisant des produits locaux et de saison, sans gaspillage.
Pendant plusieurs mois, nous avons accompli un gros travail de sourcing auprès de producteurs de la région. Nous aspirons, dans un proche avenir, à récupérer les épluchures de fruits et de légumes des restaurants avoisinants. Mon père, qui était chef m’a inspiré, grâce à son approche sur le goût. Il avait un regard enfantin sur ce qui était bon.
La carte est composée de 12 cocktails comprenant des boissons sans alcool. Les 12 créations sont techniques mais nous ne le montrons pas dans le descriptif. L’un des cocktails signature fait référence au Fragolino, vin rouge pétillant qui se caractérise par un goût de fraise des bois. J’ai toujours rêvé de le reproduire.
Nous avons réalisé ici un vin de cerises récoltées dans la région à partir d’amaretto, de cognac, de liqueur de cerises maison et de citron. On retrouve la même légèreté qu’un gamay.
Quant au sans-alcool, nous avons la même philosophie sur le goût et le produit. Bel exemple avec le Lya Verra à base de fraises de Carros et provenant des alentours de Nice, le fenugrec (plante herbacée), de citron et de tonic. Les cocktails seront dressés dans des verres épurés. L’idée, c’est de laisser la place aux produits.
Côté food, la cuisine représente un axe très important chez Povera qui offrira des mets simples et locaux. Nous misons notamment sur les focaccias à la viande, au fromage, ou alors végétarienne. Nous sourçons nos pains chez Pompon Boulangerie que nous garnissons de moutarde violette, de pickles de fenouil, ou bien de confiture de courgettes. Sans oublier le vin nature ! On vous attend ! Bel été à Povera !
18 bis, rue Emmanuel-Philibert – 06300 Nice — France