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RENCONTRE AVEC STÉPHANE CLUZET : DG BACARDÍ FRANCE, BENELUX ET EUROPE DE L’OUEST

Depuis cet été, le directeur général France & Benelux a élargi son périmètre à l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Rencontre avec cette figure des spiritueux pour décrypter sa vision stratégique multi-pays, la culture cocktail en Europe, ainsi que l’évolution des modes de consommation.

Vous supervisez désormais des pays très différents. Comment garder une vision commune tout en respectant les habitudes de chaque marché ?

Avant tout, où que se trouvent nos collaborateurs et quel que soit leur rôle, nous sommes unis par une culture très particulière. Bacardí est né à Cuba il y a plus de 160 ans, reste une entreprise familiale, et les employés s’appellent entre eux les primos (« cousins » en espagnol »). Cette culture repose sur 3 piliers : Family, Fearless, Founders. Nous nous traitons comme une famille, nous encourageons nos primos à se montrer audacieux (Fearless) et à agir en entrepreneurs (Founders) comme si l’entreprise leur appartenait. Ici, chacun peut construire son propre héritage. J’en suis la preuve puisque j’ai commencé comme stagiaire il y a 22 ans. Cet esprit fondateur se traduit notamment par notre capacité à adapter nos actions aux attentes de chaque marché. Les consommateurs se trouvent au centre de tout ce que nous faisons. Oui, cela implique de prendre en compte les façons très diverses dont ils aiment profiter de nos marques selon leur pays. 2 exemples forts de notre portefeuille sont Martini et St-Germain. Ces apéritifs stars partagent une vision commune qui fonctionne partout. Le St-Germain Spritz et le Martini Bianco Spritz séduisent, quel que soit l’endroit où ils sont proposés !

Comment vos équipes locales vous aident-elles à sentir le terrain et à ajuster les campagnes ?

Chez Bacardí, nous sommes convaincus que nos marques se construisent dans les bars et pas dans les salles de réunion. Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on voit sur un écran mais ce que l’on ressent en entrant. Rester connecté est essentiel. Nous attachons une grande importance à nos relations avec nos clients, que nous considérons comme de véritables partenaires. Lorsque nous les rencontrons, il ne s’agit pas seulement de vendre davantage nos marques, mais aussi de réfléchir ensemble à la manière de développer leur activité. Pour chaque marque, nous concevons des programmes et campagnes globaux capables de résonner auprès des consommateurs où qu’ils soient, tout en générant de la valeur pour nos partenaires.

Quelles informations sont les plus précieuses pour comprendre ce que veulent vraiment les consommateurs d’un pays à l’autre ?

Les enseignements tirés de nos bars partenaires sont essentiels : nul ne connaît mieux les consommateurs que ceux qui les accueillent et leur servent chaque jour les cocktails qu’ils souhaitent déguster. Nous publions en outre chaque année le « Bacardí Cocktail Trends Report », une étude approfondie menée auprès de 9 000 clients dans les principaux marchés mondiaux. Leurs opinions nous permettent d’identifier les tendances et de mieux comprendre les attentes des nouvelles générations.

En Allemagne, on boit différemment qu’en France. Quelles différences marquantes voyez-vous dans la manière de consommer les spiritueux et cocktails ?

La culture cocktail progresse partout en Europe, avec une avance de la France sur l’Allemagne. Cette dernière est un marché fort pour l’apéritif, avec les spritz et les « long drinks » très populaires. Des tendances émergent aussi dans des agglomérations comme Berlin ou Francfort, mais elles restent concentrées dans les grandes villes. Alors qu’en France, les bars à cocktails s’implantent désormais au-delà des grandes villes.

Quels cocktails ou produits fonctionnent particulièrement bien selon les pays ?

Le spritz connaît un véritable engouement, porté par l’essor du moment apéritif en fin de journée, ce qui explique la croissance du St-Germain Spritz partout en Europe. Selon le « Bacardí Cocktail Trends Report » 2025, le spritz est le n°2 en France et le n°1 en Allemagne. Autre point commun : la popularité des cocktails classiques à base de rhum. En France, 3 d’entre eux figurent dans les 10 premiers : mojito, piña colada, et Rum & Coca ; en Allemagne, 4 car il y a en plus le Mai Tai. Margarita, gin tonic et whisky-coca sont aussi des incontournables de part et d’autre du Rhin tandis que la caïpirinha surprend en Allemagne où elle occupe la 2e place, contre la 9e en France.

Avez-vous remarqué des habitudes de consommation qui vous surprennent encore aujourd’hui, même après 20 ans dans le métier ? Voyez-vous des goûts qui rapprochent ces marchés et dessinent une sorte de culture cocktail européenne ?

Je suis constamment surpris, c’est d’ailleurs ce qui me passionne. Autrefois, une tendance cocktail mettait 10 à 15 ans à émerger. Aujourd’hui, le paysage des bars change en seulement quelques années. Le plus grand bouleversement en Europe ? Le passage du moment festif de nuit à celui de fin d’après-midi, marqué par des apéritifs plus légers (« moins mais mieux »). Une nouvelle génération privilégie les cocktails à la bière ou au vin et marie de plus en plus la culture cocktail à la gastronomie avec des assortiments de finger food. On observe aussi une montée en gamme notable. Par exemple, une tequila artisanale et sans additifs comme Patrón trouve toute sa place parce que les bartenders s’intéressent davantage à la qualité de chaque ingrédient.

Vous parlez d’une montée en gamme du cocktail en Europe. Comment cela se traduit-il dans les verres des consommateurs ?

Les consommateurs sont plus avertis. Ils savent distinguer un bon cocktail d’un mauvais. Beaucoup acceptent de payer plus cher pour une expérience de qualité. Un cocktail avec Patrón n’a rien à voir avec une tequila de base : une fois que l’on a goûté le meilleur, difficile de revenir en arrière. Le niveau d’exigence est très élevé. Les consommateurs recherchent dans les bars une expérience différente de celle qu’ils peuvent reproduire chez eux. Cela passe par l’ambiance, l’expertise des bartenders, la qualité et le goût des cocktails. Notre rôle est d’aider nos partenaires à répondre à ces attentes, à fidéliser leur clientèle et à développer leurs revenus. Pour y parvenir, nous misons sur la richesse et la diversité de notre portefeuille.

Quelles marques de votre portefeuille incarnent le mieux cette recherche de qualité et d’expérience ?

Chez Bacardí, la qualité n’est pas négociable. Patrón en est l’illustration : malgré son succès mondial, sa production reste artisanale et inchangée. Mais il n’y a pas de « meilleure » marque que les autres : quels que soient le cocktail ou l’occasion, nous avons la marque capable d’offrir la meilleure expérience.

Les consommateurs veulent de plus en plus de produits authentiques, naturels, responsables. Comment cela se traduit-il dans vos différents marchés ?

Pour certaines entreprises historiques, la « responsabilité » est un sujet récent. Pour nous, c’est inscrit dans notre ADN depuis 1862 ! Nous ne suivons pas les tendances, nous les lançons ! Nous avons souvent été les premiers à agir, comme avec l’initiative « No Straws » qui a supprimé pailles et touillettes en plastique il y a près de 10 ans. Chaque année, nous innovons pour réduire notre impact environnemental. Par exemple, 99% des vins utilisés pour Martini proviennent de domaines maintenant certifiés durables.

Martini a pris les devants avec ses gammes No Low : quels sont les retours des consommateurs en Europe de l’Ouest ?

Est-ce que l’accueil diffère d’un pays à l’autre ? Avant toute innovation, nous nous imposons des standards très élevés en matière de goût et de qualité. Notre master blender, Beppe Musso, a mis 3 ans à élaborer Martini Non-Alcoholic Aperitivo, ce qui en dit long sur son exigence. Et la reconnaissance est là : lors du Tales of the Cocktail 2023, Martini Non-Alcoholic Floreale a été élu Best New Spirit or Cocktail Ingredient toutes catégories confondues. Le lancement a reçu un accueil positif à travers l’Europe. La catégorie sans alcool progresse partout, mais à des rythmes différents selon les pays. Nous sommes convaincus du potentiel à long terme de Martini Non-Alcoholic Aperitivo.

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Écrit par Charlie Bist

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