Laurence Marot
Longtemps cantonnées à l’apéritif ou au digestif, elles s’offrent une seconde jeunesse. Marqueurs du spritz, alliées du No-Low, moteurs d’innovation pour de nouvelles maisons et stars des concours de cocktails, elles signent un retour en force.
Les liqueurs n’ont jamais été de simples figurantes : Cointreau, Chartreuse et bien d’autres incarnent le savoir-faire français en spiritueux. Leur expertise a été reconnue avec l’inscription des techniques artisanales (infusion, macération, distillation) à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel, actée le 25 novembre 2024. Une étape qui met en lumière l’histoire autant que la dimension culturelle des liqueurs françaises.
UN RELOOKING POUR UNE NOUVELLE JEUNESSE
Cette renaissance a poussé certaines maisons historiques à moderniser leur image. Par exemple la maison Combier à Saumur a repensé ses bouteilles et lancé 5 saveurs, du café expresso à la passion.
« Voilà 3 ans qu’on réfléchissait à un relooking plus prestigieux et à donner davantage de visibilité aux liqueurs. Nous avons présenté la gamme aux États-Unis – un gros marché pour nous – et ça a beaucoup plu », estime Franck Choisne, président de Combier.
L’élégante bouteille élancée, signée Jean-Baptiste Combier et estampillée France Combier 1834, met en avant naturalité et authenticité tout en rendant hommage au patrimoine de la maison.
LE SPRITZ, MOTEUR DE CROISSANCE
C’est l’info cocktail de l’été : selon une étude NielsenIQ et Fyre, le spritz a enfin détrôné le mojito, représentant 24% des ventes dans plus de 5 000 établissements, loin devant le mojito (18%) et le kir (10%). Une aubaine pour les maisons de liqueurs. Marie Brizard, 4e acteur en France, connaît une explosion des ventes de sa liqueur de fleur de sureau grâce au spritz : « Le Hugo Spritz fait beaucoup parler de lui. Avec une bouteille à 15 €, on a un vrai atout qualité-prix. Le spritz est notre focus pour la rentrée », explique Théo Jackson, chef de produit.
Après l’Aperitivo lancé en 2024, la marque complète son arsenal : limoncello pour twister le spritz, violette pour l’Aviation, gingembre pour les tikis. Chez Vedrenne, la bergamote fraîche de Sicile se décline pour un « spritz à la française » frais, élégant, et terriblement actuel.
LES LIQUEURS, TERRAIN DE JEU POUR L’INNOVATION
Les liquoristes repoussent les limites des ingrédients. La maison historique bourguignonne Gabriel Boudier, fondée en 1874 et rachetée en 2022 par Famille Piffaut Vins & Domaines, incarne parfaitement cette dynamique. « On était très marqués par l’image désuète du guignolet. Depuis 3 ans, on mise sur la mixologie et le CHR. Les barmen sont de vrais prescripteurs, et nous avons un labo pour répondre à leurs souhaits. Aujourd’hui, on sort 15 à 20 produits par an », explique Mailys Nier, responsable marketing Effervescents & Spiritueux. Liqueurs de nori, matcha, chipotle ou KOTA (liqueur de pandan), en association avec le bartender globe-trotter Nico de Soto, sont introuvables ailleurs. À l’instar de Giffard, la maison organise son concours Gabriel Boudier Wizards Awards, où les bartenders imaginent des liqueurs inédites. Pour l’édition 2026, les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 31 décembre.
Côté liqueurs artisanales, la distillerie bretonne Awen Nature innove avec 3 créations aux ingrédients recherchés et au design léché : un Triple Sec éclatant d’orange sanguine, clémentine et bergamote ; une menthe aux 9 botaniques, d’une fraîcheur saisissante ; et un Limoncello à la française, mêlant agrumes et herbes. À découvrir rapidement !
DE JEUNES MARQUES QUI MISENT SUR LES LIQUEURS
Arty Spirits en a fait son credo avec 3 références pop et savoureuses : Citroncello, Une Menthe, et la surprenante Tomato Spirit. Aux manettes, 3 anciens de la bibine lassés des produits trop sucrés. Leur réponse : des liqueurs plus corsées (25-27%), issues d’une macération artisanale puis distillées en Charente dans un alambic à tête de mort.
Résultat : moins de sucre, davantage de complexité, et un style ultra-pop. Disponible via la plateforme TAG, la jeune entreprise mise sur la vague cocktails maison et s’ouvre à l’export. Nouvel atout pour la rentrée : l’arrivée de Marjorie Dumontel, ex-ambassadrice Sailor Jerry.
LA VAGUE NO-LOW
Le no-low grignote le marché : plus de 10% de croissance annuelle prévue entre 2022 et 2026 (ISWR). « Ce n’est plus une tendance mais bel et bien une nouvelle façon de consommer », souligne Éloïse Serra, responsable communication chez Giffard.
Précurseur, le liquoriste angevin a lancé en 2023 sa gamme sans alcool, fruit d’un procédé unique de macération inspiré de ses liqueurs et du shrub : fruits et plantes infusés dans du vinaigre de vin blanc, pour révéler toute leur intensité.
Dernier-né : un spritz sans alcool, mariant pamplemousse et gentiane pour une amertume sophistiquée. Une offre qui traduit 140 ans de savoir-faire au service d’une consommation plus raisonnée.
Un carton !
