Mathieu Sabbagh, l’homme qui a lancé le fameux pull orange Suze, a redonné goût à la nouvelle génération de barmen pour l’absinthe et ses saveurs anisées, la Suze et sa puissante amertume. Aujourd’hui, cet Indiana Jones des spiritueux est parti en Bourgogne pour voler vers des aventures à hauts degrés. Barmag a testé la température de sa mission au pays du vin : Alambic Bourguignon.
Depuis ton départ de Pernod, tu as disparu des bars à cocktails parisiens. Où étais-tu pendant ces 2 années ?
J’ai sillonné toute la France pour observer, pour comprendre le savoir-faire des distillateurs, tout en cherchant à acheter ma distillerie. Les offres ne courent pas les rues. À ma grande surprise, nombreux se disent distillateurs sans posséder d’alambic… Or c’était ce métier d’alchimiste que je recherchais.
Finalement, as-tu trouvé la distillerie de tes rêves en Bourgogne ?
J’ai racheté la distillerie Pigneret à Beaune, en activité depuis 1941. Je me suis installé dans une région célébrée bien sûr pour son énorme potentiel viticole et autrefois pour la production de spiritueux.
À l’époque de l’Exposition universelle de Paris en 1900, le marc de Bourgogne se vendait autant que le cognac. Aujourd’hui, je vois la Bourgogne comme une vraie start-up où il y a tout à construire. La région m’offre une magnifique matière première, le vin, pour imaginer les plus belles eaux-de-vie du monde.
Quel est ton métier aujourd’hui ?
J’ai créé la société Alambic Bourguignon, je suis distillateur à façon et bouilleur ambulant. C’est-à-dire que je produis pour le compte des autres, liquoristes de la région et grandes marques, à partir de marcs et de lies de vin que me fournissent les vignerons de Bourgogne. Mais si un bar a également pour projet de réaliser sa propre eau-de-vie, je dispose d’une capacité suffisante pour distiller, armé d’un performant alambic en cuivre Mueller à vapeur à 3 vases de 550 litres.
Pas trop dur de passer d’un métier de bureau à celui d’un artisan ?
C’est fatigant mais je dors très bien ! C’est un métier physique et j’aime ces moments de convivialité avec les vignerons au moment de la distillation dans les villages.
Tu as réussi rapidement à manier tes alambics comme un chef ?
Je suis encore en phase d’apprentissage. J’ai un double défi puisque je gère 2 distilleries : une basée à Beaune, et une ambulante avec laquelle je joue le rôle de bouilleur ambulant dans 4 villages de la région (où nous ne sommes plus qu’une petite dizaine). Je travaille avec des alambics à vapeur étudiés pour distiller des matières premières solides et fragiles. Le résultat donne des eaux-de-vie plus douces. Je viens de terminer ma saison de distillation dans le village Pommard et dès la semaine prochaine on repart dans la distillerie à Beaune.
Quel premier spiritueux vas-tu nous pondre avec ces belles matières premières, la lie et le marc de bourgogne ?
C’est en projet pour l’année prochaine. Je cible des produits de base vinique issus des magnifiques terroirs destinés à l’univers du cocktail et de la gastronomie. Je suis en train de m’entourer de certains spécialistes de la région.
Le monde du bar ne te manque pas ?
Si, bien sûr ! J’essaie de rendre quelques visites à des barmen quand je suis de passage à Paris mais je me fais un peu taper sur les doigts par ma famille. Elle est restée dans la région parisienne où ma femme a son activité de traiteur mais de plus en plus mes 3 fils viennent me prêter main-forte le week-end.