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« ÉTATS GÉNÉRAUX DU DROIT À LA FÊTE » : QUEL AVENIR POUR LES BARS ?

Alors que chaque année le festival Bar-Bars égaye les établissements de nuit, le coronavirus et l’ambiance anxiogène qu’il véhicule n’ont pas découragé ses organisateurs. Pour imaginer demain, les artisans de l’événement proposent du 23 au 29 novembre une autre manifestation. Rencontre avec Denis Talledec, directeur général du Collectif Culture Bar-Bars.  

Comment sont nés les « États généraux du droit à la fête », et quelle en est la finalité ?

À l’origine et comme les années précédentes, nous devions organiser sur le dernier week-end de novembre notre festival éponyme, Culture Bar-Bars, soit la 19e édition du deuxième événement culturel national, le plus important dans les bars et les établissements de nuit après la Fête de la musique.

Bien entendu et face aux injonctions contradictoires entre le premier confinement, le déconfinement, le couvre-feu et cette deuxième vague, nous nous sommes interrogés sur comment nous pouvions vivre cette aventure tout en nous adaptant à la situation. C’est alors qu’une démarche collective avec les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de la vie nocturne, axée sur le débat, nous est apparue telle une évidence : transformer ce festival en « États généraux du droit à la fête ».

La ligne directrice n’était pas d’être dans la plainte, mais bel et bien dans l’après et que chaque partie prenante soit force de proposition. Pour ce faire, nous avons sollicité tous les membres de la « Plateforme de la vie nocturne ». Pour information, cette plateforme, malgré son nom, n’a rien de virtuel. Il s’agit d’un collectif créé en 2017, qui constitue un espace de réflexions et de propositions réunissant organisations professionnelles, universitaires, experts, citoyens, élus, techniciens des collectivités et représentants de l’État… C’est donc avec eux que nous avons décidé d’organiser cet événement par le biais d’une cinquantaine de tables rondes, d’ateliers, de débats qui seront retransmis sur différents médias : les Inrocks, Radio Nova, etc.

Quels sujets seront abordés ?

La Plateforme de la vie nocturne est constituée des 400 bars adhérents au Collectif Bar-Bars, de l’Association des Barmen de France, de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, d’Agi-Son, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, et de multiples municipalités : Paris, Bordeaux, Nantes, Toulouse… Toutes les structures sont à même de proposer un débat. L’un sera porté par les clubs, les discothèques, un autre par des collectifs d’artistes, un autre par la Sacem, puis par les municipalités…

Chaque acteur de la vie nocturne apportera sa pierre à l’édifice. De notre côté, nous ne sommes que les instigateurs de l’événement. Aussi reviendra-t-il à chacun de gérer son propre débat. Un seul impératif : nous exigeons qu’au terme de ce moment de réflexion, un document articulé émerge et nous soit remis comme suit : état des lieux, enjeux et préconisations, solutions.

Encore une fois, l’idée est d’observer à court, à moyen et à long terme comment gérer la reprise, la relance. Il ne s’agit pas de s’apitoyer ! La vie nocturne et ses acteurs (bars, restaurants, salles de spectacle, clubs, artistes…) sont clairement les premières victimes de la crise sanitaire. Passons outre ce constat et tentons de répondre aux enjeux économiques, sanitaires et sociétaux qui se joueront demain.

Quelles idées pourraient émerger de ces États généraux ?

Je ne saurais présager de ce qui va se passer. Toutefois, il y a déjà une notion sur laquelle nous nous sommes appuyés à la sortie du premier confinement et qui devrait perdurer : la réappropriation de l’espace public. L’extension des terrasses, les concerts sur les terrasses, etc. La Plateforme de la vie nocturne en est à l’origine. Cela démontre bien que nous sommes capables de trouver des réponses ayant de l’impact. Car même si ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la réponse cela a facilité beaucoup de choses, notamment pour les bars et les restaurateurs. Voilà le genre d’initiative collégiale sous l’égide des puissances publiques qu’il nous faut poursuivre. Or le seul endroit où les pouvoirs publics, les professionnels et les citoyens réalisent des expertises et proposent ensemble des solutions, c’est la Plateforme de la vie nocturne !

Si, pour l’heure, un représentant du ministère de la Culture y adhère et au vu de la situation, pourquoi ne pas y adjoindre quelqu’un des ministères de la Santé, de l’Intérieur ? La vie nocturne et tous les professionnels qui s’y rattachent, et aussi les Français, ont besoin de retrouver leurs repères que sont les bars, les restaurants, les clubs…

Par le passé cette Plateforme a fait naître, « les conseils de la nuit », « les commissions de régulation des débits de boissons ». Il faut étendre son champ d’action, afin qu’elle se transforme en un espace où l’on puisse expertiser les enjeux de la relance. Il y a un Conseil scientifique auprès du président de la République, alors pourquoi pas un « conseil de la vie nocturne » à la fois théorique et empirique pour formuler des propositions pouvant allier relance économique et enjeux sanitaires ?

Comment voyez-vous l’avenir proche du secteur ?

D’ici la fin de l’année, 30% des établissements déposeront le bilan. Et ensuite, c’est assez simple : c’est la loi du marché. Ceux qui rachèteront les pas-de-porte seront ceux qui auront financièrement les reins assez solides.

Il ne faut pas se leurrer : les banques ne joueront pas le jeu du prêt. Par conséquent, seuls ceux qui auront assez de trésorerie, j’entends par là les grands groupes, seront à même d’investir. Aussi, nous risquons dans le temps d’avoir une offre très standardisée à l’échelle nationale, voire européenne.

Ce phénomène que l’on peut craindre va sans doute arriver. Concrètement cela signifiera que nous aurons les mêmes lieux partout et de moins en moins d’entités propres ; que cela fera régresser la richesse de la vie nocturne. C’est la diversité qui risque d’être mise à mal. À ce jour, la réponse de l’État, à savoir les aides promises, est très aléatoire. Certains les ont perçues. D’autres les attendent, ou n’entrent pas dans les critères. Ces aides nationales devraient être, selon nous, complétées par des fonds d’ordre local. Il faudrait des aides complémentaires en provenance des métropoles, des régions. De notre côté, avec tous les acteurs de la chaîne de valeur, nous allons travailler ensemble de manière solidaire pour répondre à la relance économique de notre secteur afin de limiter les dégâts.

Site internet : www.bar-bars.com

Écrit par Gérald Dudouet

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