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FFS : « FACE À L’INFLATION, 60% DES ACTEURS DU SECTEUR VOIENT LEUR TRÉSORERIE SE DÉGRADER. »

Le 20 juin dernier, la Fédération française des spiritueux tenait sa conférence de presse annuelle. L’occasion de rencontrer son directeur général. Thomas Gauthier fait le point sur un marché qui pâtit de l’inflation et traverse une période sous haute tension. Interview.

Comment le marché des spiritueux a-t-il évolué en 2022 ?

Seul le secteur CHR retrouve son niveau historique. La grande distribution et l’exportation sont dans une mauvaise passe. En grande distribution, nous avons perdu 5% en volume alors qu’en 2021 nous étions déjà à – 5%. De quoi s’inquiéter, d’autant plus que de janvier à avril 2023, nous enregistrons une baisse également de 5%. Après, au cas par cas, nous constatons une baisse de 5% pour le rhum et de 7% pour le whisky. Une tendance de fond, également médiocre sur les anisés (- 4%).

Concrètement, de septembre 2022 jusqu’à maintenant le secteur souffre de l’inflation. Nous enregistrons moins d’achats, avec une inflation de 7,4% sur les spiritueux et les champagnes. De plus, quand les consommateurs voient leurs paniers alimentaires augmenter, ils réfléchissent à deux fois avant d’acheter un spiritueux. Les priorités ont changé ! A contrario, le CHR a enregistré en 2022 une hausse des ventes de 51%. Il retrouve d’ailleurs un niveau supérieur à l’avant-Covid, avec en volume 5% de plus qu’en 2019. Une belle dynamique qui apporte un peu d’air aux opérateurs du secteur ! Par rapport à 2019, la vodka et le gin ont respectivement augmenté de 28% et de 39%.

Si la réouverture totale des lieux de convivialité est l’une des causes de cette reprise du marché, le phénomène cocktail n’y est pas étranger : 43% des consommateurs déclarent en boire, soit 13% de plus qu’en octobre 2021. Ces derniers mois, l’attrait pour la mixologie est monté en flèche et le CHR s’est positionné en la matière comme un explorateur de tendances. Et par là même comme un promoteur de marques de spiritueux.

D’ailleurs, aujourd’hui plus de la moitié des consommateurs estiment qu’ils maintiendront ou augmenteront leurs dépenses dans les 12 prochains mois dans le CHR. À noter que la consommation de jour dans les bars et les restaurants a augmenté de 5% et baissé de 12% dans les établissements de nuit du type discothèques.

Quid des acteurs du secteur ?

Si lors du second semestre 2022, 25% des entreprises ont déploré une baisse de leur CA, elles étaient 43% lors du premier semestre 2023. Plus inquiétant : Pendant la première période, 45% d’entre elles signalaient une dégradation de leur trésorerie : elles sont au premier semestre 2023 60% à le constater. Autrement dit, les coûts de production ont explosé. Cela veut dire que nous n’avons pas nécessairement répercuté ces hausses en GMS et que pour faire fonctionner les machines, il nous faut désormais ponctionner la trésorerie.

Le résultat, c’est que seulement deux tiers des entreprises ont un résultat positif en 2022, ce qui nous ramène aux mêmes résultats que l’année Covid. Si l’on aborde clairement la problématique, donc l’inflation, sachez que 98% de nos entreprises ont subi des hausses de la part de leurs fournisseurs en 2022 et en 2023 et que pour 63% d’entre elles, cette inflation entraîne une augmentation de 10 à 50% du prix de revient. Ces hausses concernent les emballages, les bouteilles, tout ce qui est fabriqué à partir de betteraves, le sucre et l’alcool agricole, sans oublier l’énergie et le transport. La hausse la plus marquante concerne le verre avec + 60% en 2022 et + 40% en 2023. Soit plus de 100%. Pour le sucre et l’alcool, l’augmentation est de la même ampleur.

Et ça continue ! Or, ce que nous observons à l’arrivée, c’est que nous ne parvenons pas à répercuter ces hausses sur les prix de vente. Sur les dernières négociations commerciales, seulement 11% des entreprises ont répercuté l’ensemble de ces hausses de coûts de production. 89% répercutent peu ou pas. Aussi cet effet ciseaux (coût plus élevé, profit en baisse) explique cette baisse du CA et cette dégradation de la trésorerie.

Quelles furent les actions menées en 2022 et quelles seront celles de 2023 en vue d’une production et d’une consommation plus responsables ?

Cette année, 50% des entreprises prévoient des investissements pour réduire leur consommation en énergie. On accélère l’effort pour réduire l’empreinte énergétique du secteur. Cela se traduit par des évolutions dans les process et par des investissements en masse.

Sur la consommation responsable et pour répondre à l’appel du président de la République sur cette question, nous avons présenté le rapport d’étape de la filière, du Plan de prévention que nous avons mis en place en 2018. À ce jour, une trentaine de mesures de sensibilisation menées avec notre association Prévention et Modération, pour un budget de 5 millions d’euros, ont été répertoriées – auprès des femmes enceintes avec l’association SAF France, mais aussi auprès de bénévoles et d’ayants droit des banques alimentaires sur la consommation responsable. Nous avons aussi mis en place des opérations de prévention sur les plages avec la Prévention routière, où nous avons touché 4 000 personnes.

En milieu étudiant, nous avons créé un réseau d’ambassadeurs sur la conduite sans alcool et nous avons parallèlement formé plus de 21 000 hôtes et hôtesses de caisse de la grande distribution ; afin de préserver les mineurs de l’achat de boissons alcoolisées. Enfin, il me semble important de préciser que si actuellement 55% des entreprises de notre secteur recrutent, 69% rencontrent des difficultés à pourvoir les postes vacants.

Thomas Gauthier

Écrit par Gérald Dudouet

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