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FFS, « LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE EST AU CŒUR DE TOUS NOS ENJEUX ! »

Pour la seconde année consécutive, la Fédération française des spiritueux était en début d’année à la porte de Versailles au Salon international de l’Agriculture. Cette année, la FFS avait choisi comme sujet de prédilection le développement durable. L’occasion de prendre connaissance des initiatives en cours et à venir en la matière. Rencontre avec Thomas Gauthier, le directeur général de l’organisme.

Lors du Salon de l’agriculture, le développement durable était la thématique choisie par la FFS. Pourquoi donc ?

Aujourd’hui, l’orientation gouvernementale portée par Emmanuel Macron et ses ministres à destination de tous les opérateurs économiques français est très claire : faire de la question environnementale le sujet clef de ce second mandat. À ce titre, nous avons toute une série de projets de loi sur l’industrie verte mais aussi sur l’orientation agricole qui se met en place.

À cela s’ajoutent des enjeux conjoncturels avec la crise économique liée à la guerre en Ukraine, qui sont extrêmement forts : l’énergie, et aussi des matières agricoles.

Enfin, les effets du changement climatique et les problématiques induites sur les cultures que nous utilisons pour fabriquer les spiritueux figurent au cœur de nos priorités.

Concernant l’aspect commercial et les productions, quelles pratiques durables se développent dans le secteur des spiritueux ?

Déjà il s’agit de privilégier le local en tissant avec les producteurs de matières premières (pomme, cassis, châtaigne…) des contrats pluriannuels qui déterminent de façon formelle un niveau de prix, de qualité… dans le temps. Un système gagnant-gagnant, vertueux, porté par les lois Egalim qui garantissent l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole.

Ensuite, il y a tout ce qui a trait à la préservation des productions agricoles : les démarches qui visent à les rendre résistantes, notamment aux écarts de températures mais aussi aux maladies avec d’importants travaux sur la recherche variétale. Je pense notamment aux groupes Campari et Rémy Cointreau, qui participent à un programme de recherche avec le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) pour combattre la maladie du dragon jaune – une bactérie véhiculée par un insecte qui s’attaque aux orangers.

Mais aussi à la Maison Lejay Lagoute et les acteurs du cassis en Bourgogne-Franche-Comté qui ont mis en place, de 2018 à 2020, un Partenariat européen pour l’innovation (PEI) visant à éradiquer la cochenille… Et n’oublions pas les certifications agricoles, à l’instar de la HVE (Haute Valeur environnementale), qui tend à raisonner l’exploitation agricole autour de 4 thèmes : la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation, enfin la ressource en eau.

Qu’en est-il de la partie industrielle ?

Là, l’idée est d’optimiser les entrants industriels, c’est-à-dire l’eau et l’énergie. Concernant l’eau, le travail est mis en place via des certifications du type ISO 14001 ou, de façon plus intuitive, soit pour consommer moins, soit pour réutiliser l’eau dans les boucles de process industriel. L’idée est de repenser toute la circulation de l’eau dans une usine, pour réduire son utilisation ou la recycler. En ce sens le groupe Pernod Ricard a mis en place un programme qui lui a permis en 15 ans de réduire de 40% sa consommation d’eau sur ses différents sites.

Au niveau de l’énergie, de plus en plus de démarches sont mises en place pour introduire de l’énergie verte sur les sites de fabrication. La réutilisation des coproduits l’illustre bien. Les coproduits, ce sont les parties des plantes non utilisées dans la conception des spiritueux : la bagasse pour la canne à sucre, les drêches des céréales… Via la méthanisation, certains sont transformables en biométhane à l’instar des déchets de mirabelles, de malts qui alimentent en énergie la distillerie de Rozelieures en Alsace, qui produit de l’eau-de-vie.

Enfin, les résidus de la distillation sont aussi utilisés pour produire des fertilisants naturels comme chez Rivière du Mât à La Réunion, ou pour faire du compost pour amender les terrains comme chez Damoiseau en Guadeloupe.

Que mettez-vous en place concernant l’emballage ?

La guerre en Ukraine nous met face à des hausses de coûts de production et à des difficultés pour nous fournir en verre. Cela rend d’autant plus nécessaire la charte d’engagement « Verre 100% solutions » que nous avons signée et qui tend à 100% de recyclage à horizon 2030. Aujourd’hui, les collectivités territoriales ont imaginé des outils extrêmement performants qui permettent un geste de tri hyperefficace. Actuellement, nous sommes à 90% d’emballages ménagers recyclés, ce qui est très largement au-delà de la moyenne européenne.

Il faut que nous nous améliorions sur la partie CHR, mais la mise en place de la REP (Responsabilité élargie des producteurs), selon laquelle les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs) sont responsables de l’ensemble du cycle de vie des produits qu’ils mettent sur le marché, influe fortement sur cette démarche. Et puis nous avons aussi le travail d’écoconception, qui s’inscrit désormais naturellement lors de la création de références de produits.

D’autant plus que certains de nos clients l’exigent, notamment à l’export avec les Canadiens, les Japonais.

Vous avez ainsi des producteurs, à l’instar de Giffard, qui ont supprimé des centaines de tonnes de verre sur leurs derniers modèles de bouteilles. Une diminution qui implique celle de CO2 puisque des bouteilles plus légères demandent moins d’énergie de fabrication, de transport.

Le recyclage implique beaucoup d’énergie. Qu’en est-il de la consigne pour le réemploi dans le secteur des spiritueux ?

Aujourd’hui, certaines PME de notre secteur réutilisent les mêmes bouteilles. Toutefois avec 44 types de spiritueux, cette démarche ne peut pas être généralisée. Si vous exportez 50% de vos productions en Amérique du Nord ou en Asie, le réemploi est difficile.

Ensuite, il faut également des usines de fabrication proches des lieux de consommation. Et puis d’autres questions se posent : Pourrez-vous préserver vos marchés si vos produits ne sont pas identifiables ?

L’acheteur consommera-t-il de la même manière votre spiritueux s’il n’y a pas un élément qui caractérise sa haute valeur ajoutée, son histoire et son savoir-faire ? De plus, techniquement peut-on intégrer dans des flux de réemploi des bouteilles avec un taux de rotation très erratique ?

Dans les faits, quand vous achetez une bouteille de spiritueux vous ne savez pas vraiment quand elle va retourner dans un circuit de réemploi. Elle peut rester plusieurs années dans votre bar. Alors bien évidemment, nous étudions la question de la consigne. Mais très clairement, elle ne sera envisageable qu’au cas par cas.

Écrit par Gérald Dudouet

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