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FRANÇOIS MONTI ET LE MONDE DU COCKTAIL ACTUEL

Il est à la fois journaliste, auteur, consultant et academy chair des World’s 50 Best Bars : cette figure incontournable du cocktail a récemment animé les conférences du Cambridge Global Series Program, organisées par le bar parisien The Cambridge Public House. Barmag a saisi l’occasion pour échanger avec lui sur l’évolution du monde des cocktails.

Ma passion pour cet univers a commencé en 2008. Le renouveau du cocktail démarrait en Europe. À l’époque, je n’étais qu’un simple consommateur curieux. Des blogs dédiés aux cocktails fleurissaient partout sur le Net, et c’est en les parcourant que j’ai senti l’envie d’ajouter ma voix. 

En 2010, j’ai lancé mon propre blog Bottoms Up, un projet fondateur d’une véritable plongée dans cet univers. C’est à mon arrivée à Madrid que j’ai enrichi mes connaissances. J’ai alors changé de carrière pour me spécialiser dans l’écriture autour du cocktail, à la fois comme auteur et journaliste. Aujourd’hui, je dirige mon agence, Amargueria, où j’accompagne les marques de boissons dans leur développement. En parallèle, je continue à écrire des livres en Espagne.

Il y a un paradoxe Barcelone. J’ai envie de te dire que les bars d’Espagne que j’aime le plus y sont mais que ce n’est pas la meilleure scène. La ville souffre de plus en plus d’un tourisme de masse, qui pèse sur la qualité générale. Le succès de Paradiso ou de Sips cache un peu le manque de nouveautés dignes de ce nom. 

Parallèlement, Madrid monte en gamme. Grâce à l’ouverture d’hôtels de luxe comme le Four Seasons avec son restaurant-bar à cocktails Isa, ou l’Edition et sa Punch Room, qui s’ajoute à des bars réputés comme Salmon Guru, Angelita ou encore 1862 Dry Bar, la capitale devient une destination pour les amateurs de cocktails et de gastronomie.

Ce sujet revient souvent lors des tables rondes. La pandémie a fait un tri naturel dans le monde du bar, tout en resserrant les liens amicaux et familiaux. Les employeurs ont pris conscience qu’il était essentiel de prendre soin de leurs équipes. 

Il est par ailleurs important de noter la différence entre les bars en Europe, qui ont bénéficié de soutiens financiers, et ceux des États-Unis, qui n’ont reçu aucune aide. Ce coup d’arrêt total, loin de la course aux Awards, a permis aux professionnels de prendre du recul. Ils ont pu se concentrer sur d’autres projets comme le développement des Ready To Drinks (RTD), qui ont explosé durant cette période.

Les conférences se sont focalisées sur 3 thèmes très actuels, avec la participation de 9 bars invités venant du monde entier : le social, l’éducation, et l’environnement. Parmi ces enjeux, l’aspect social a particulièrement retenu l’attention car c’est une préoccupation grandissante dans le monde du bar. 

Les intervenants étaient Kristine Gutierrez, de Mister Paradise à New York ; Christina Veira, du Mordecai à Toronto (Canada) ; et Andrew Ho, de Hope & Sesame à Guangzhou. Ils ont partagé leurs réflexions sur le bien-être des équipes, un sujet souvent négligé à leurs débuts dans la profession. 

La table ronde sur l’éducation, elle, était animée par Damien Guichard, du Wax On à Berlin ; Takuma Watanabe, du Martiny’s à New York (classé 4e au 50 Best North America) ; et Mia Kumari, de Satan’s Whisker à Londres. On y a soulevé un point clef : la qualité insuffisante des formations dans le secteur. Trouver une plateforme adéquate pour apprendre reste un défi, et les marques ont pris l’initiative sans que l’on puisse réellement mesurer les résultats. Contrairement à la cuisine, où il existe des cursus solides, le métier de barman, pourtant classé parmi ceux de bouche, manque cruellement de formations structurées. La majorité des participants à la conférence étaient d’ailleurs autodidactes. 

Quant à l’environnement, les actions concrètes ont été mises en avant, notamment par Sasha Wijidessa, propriétaire du bar Fura à Singapour. Elle a illustré son engagement au moyen d’initiatives comme l’utilisation de congélateurs à faible consommation d’énergie, soulignant par là que des mesures simples peuvent avoir un impact durable.

Londres reste indétrônable, avec ce mix entre bars d’hôtels et bars indépendants qui marquent la tendance, tandis que Singapour offre la scène la plus diverse. L’univers du cocktail est beaucoup plus diversifié qu’il y a dix ans, avec des lieux innovants aux quatre coins du monde. 

Le défi pour les amateurs de cocktails, c’est qu’il faut voyager pour découvrir ces endroits d’exception. Par exemple Himkok à Oslo (Norvège), pour moi l’un des meilleurs bars du monde, mérite un détour. 

En revanche, la situation à Paris a longtemps été préoccupante. On s’attendait à une véritable explosion de la scène il y a dix ans, mais ça a longtemps stagné. Même si j’ai vu des signes très positifs lors de ma dernière visite. 

Dans ce secteur, l’innovation est cruciale. En Espagne, on voit de plus en plus de grands projets s’implanter en province, ce qui contraste avec la France même si des villes comme Bordeaux ou Lyon sont reconnues pour leur dynamisme avec d’excellents bars à cocktails.

En France, je pense à Hyacinthe Lescoët, propriétaire de The Cambridge Public House et du Little Red Door. Il est doté d’un profil de leader. C’est une vraie force tranquille. 

À Londres, les pointures ne manquent pas. D’après Mia Kumari, qui était avec nous au Cambridge, son patron Kevin Armstrong est un vrai mentor et c’est vrai qu’il est toujours intéressant de l’écouter. 

Pour Singapour, je citerais Indra Kantono, cofondateur de Jigger & Pony. C’est un ancien banquier qui a beaucoup de choses à apporter sur le côté business. 

Au début de la scène cocktail, tu avais une vraie identité à New York ou à Londres. Les autres villes ne peuvent pas toujours en dire autant. Et puis tout le monde copie tout le monde. Les barmen se targuent d’utiliser des produits locaux dans leurs cocktails mais ce sont souvent les techniques utilisées qui définissent et généralisent le profil aromatique des cocktails qui, paradoxalement, goûtent la même chose partout. 

Exemple : lors ma dernière visite à Londres, j’ai testé plusieurs établissements. Au Wacky Wombat, celui de Nico de Soto à Soho, j’ai eu cette sensation de « waouh » ! Il s’agissait du premier cocktail réalisé à base de jus de fruits frais sans clarification ni acide, et j’en étais à mon sixième bar ! 

Je ne veux pas me faire d’ennemis, mais il me semble que les jeunes sont trop impatients de gravir les échelons, bien plus que leurs aînés. Une ambition souvent nourrie par des formations laissant croire qu’en un temps record, on peut devenir bar manager ou concevoir sa propre carte de cocktails. 

Pourtant, comme ce fut souligné lors de la table ronde de The Cambridge Global Series Program, le métier reste exigeant : il implique de travailler les week-ends pour un salaire modeste, sans compter la hausse du coût de la vie.

Un highball à l’eau-de-vie de poire à De Vie, à Paris ; un highball au soda de goyave à Handshake Speakeasy, à Mexico ; et un twist de Cosmo à Three Sheets, à Londres. 

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Écrit par Laurence Marot

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