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LE BITTERS EST-IL TOUJOURS À LA MODE?

Utilisé comme exhausteur de goût, cet ingrédient appartient à l’histoire du cocktail. L’évolution des techniques pour améliorer la saveur ou en trouver de nouvelles fait-elle concurrence à la petite bouteille rangée sur le comptoir à côté du shaker et du verre à mélange ? Barmag a mené son enquête.

Un liquide concentré de saveurs ayant des vertus médicinales

Qu’est-ce qu’un bitters ? C’est un concentré aromatique réalisé à partir de plantes, de fruits ou de légumes macérés dans de l’alcool neutre à utiliser de manière parcimonieuse, simplement en une ou plusieurs gouttes. Attention à ne pas le confondre avec le bitter, une catégorie de boisson amère qui revient à fond dans les backbars…

Ce trésor de goût est né au XIXe siècle. Il n’était alors pas destiné au cocktail.

« Le bitters était avant tout dédié à la santé. À cette époque, les gens l’ajoutaient dans leurs boissons alcoolisées de piètre qualité pour avoir des lendemains moins difficiles », révèle Stephen Martin, consultant barman qui possède l’une des plus collections de Peychaud’s bitter au monde. Celui-ci a été inventé par un apothicaire français, Antoine Amédée Peychaud, à la Nouvelle-Orléans, dans les années 1830, réalisé à partir d’anis, de clous de girofle, de la vanille, de la muscade, des fruits et des épices. Il est devenu l’un des ingrédients du célèbre Sazerac.

Scrappy’s

« À l’époque, Peychaud’s bitters était conditionné dans des bouteilles de grand volume car il avait des vocations médicales et se buvait en grande quantité », explique notre historien du bar.

Même histoire pour Angostura, le numéro des bitters, créé en 1824 par le Dr Siegert. Ce dernier était le médecin en chef auprès des armées de Simon Bolivar, la star de la libération au Venezuela, pour soigner les maux digestifs des soldats. Aujourd’hui, c’est l’ingrédient vedette du Old Fashioned et du mojito.

Un indispensable dans l’univers de la mixologie

Quand le bitters est-il apparu dans la stratosphère du cocktail ?

« Dans le livre de Jerry Thomas How to Mix Drinks, paru en 1862, on en trouvait 10 sur 500 recettes », raconte Stephen Martin. Dès l’explosion de la mixologie, les marques de ses solutions miraculeuses pour booster son cocktail se sont multipliées à en perdre la tête pour les bartenders.

« Nous avons été parmi les premiers à distribuer des bitters, en 2005-2006. Il n’y avait qu’Angostura. Nous avons démarré avec Bitters Truth. À cette époque les grands groupes comme Bacardí et Pernod avaient même créé leur bitters. À présent, le marché s’est assaini et il y a beaucoup moins de marques. Aujourd’hui, nous distribuons la marque Fee Brothers. C’est la belle histoire d’une famille irlandaise qui s’est intéressée aux bitters au XIXe siècle. C’est la 6e génération qui a repris la main », explique Hélène Thomas-Combrexelle, à la tête de la société de distribution de CBH qui présente dans son catalogue 20 de ses références dont l’une de nos dernières trouvailles : Fee Foam, qui a pour fonction de remplacer un blanc d’œuf.

Scrappy’s

Les deux dernières créations sont à découvrir au prochain salon BCB à Berlin. Autre marque toujours active sur le marché pour sa philosophie et la qualité de ses produits : Scrappy’s, une maison fondée par un barman et représentée en France par son brand ambassadeur Éric Sablonière, qui a fait ses armes au groupe Experimental.

« Nous travaillons nos bitters comme du parfum : avec des notes de tête et un côté bio, à partir d’huiles essentielles. C’est important d’avoir un bitters avec la conscience de ce que l’on met. Ils sont utilisés pour l’envoi et à la maison », insiste le brand ambassadeur.

Scrappy’s n’est pas la seule marque à faire évoluer les recettes : le spécialiste du bar français et brand ambassadeur de Saint James Stephen Martin a planché sur une recette pour travailler avec le rhum agricole de Martinique.

Saint James

« Je me suis inspiré du travail des pharmaciens allemands pour reproduire une amertume à la française avec une recette à base de rhum sucré seulement à 0,00033%. Le Saint James est idéal pour un daiquiri ou un tiki comme le Jungle Bird », détaille celui qui présentera ses recettes de Saint James avec le bitter sur le prochain Whisky Live. Il travaille sur 2 autres recettes.

En attendant, les barmen réalisent-ils encore leurs bitters maison ? La plupart vous répondront par la négative et préfèrent se consacrer à d’autres ingrédients comme les sirops, les infusions et les distillats, avec les nouveaux outils à disposition.

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Écrit par Laurence Marot

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