Il est pour le moins méconnu en France. Ce distillat de vin n’est pourtant pas si éloigné de nos alcools traditionnels que sont l’armagnac et le cognac. Je vous emmène pour un voyage dans la région de Coquimbo, à la découverte de cette institution chilienne.
L’histoire du pisco est étroitement liée à celle du Chili, et ce dès la colonisation espagnole. C’est au XVIe siècle que les vignes furent plantées dans le pays. L’adaptation rapide des cépages importés entraîna la production de vin de qualité en grande quantité, mais difficile à conserver. La solution : en distiller une partie. La présence de cuivre et d’artisans spécialisés dans son travail permit la fabrication des premiers alambics, et c’est dès 1586 que l’on trouve dans le pays une mention écrite de l’existence d’un appareil à distiller.
À la fin du XVIIe, les habitants de la région de La Serena – ville côtière au nord de Santiago – choisirent d’aller plus à l’est pour fuir les raids pirates. Ils découvrirent des vallées fertiles propices à l’agriculture, notamment à la vigne. Dans la vallée de l’Elqui, de nombreux domaines dédiés à la production de vin et de brandy virent le jour. Ces eaux-de-vie de vin étaient transportées, principalement vers les mines de Potosi, dans des contenants en argile appelés « piscos », ce qui est l’une des explications du nom donné à cet alcool.
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Face au succès du pisco produit dans le nord du pays, des producteurs peu scrupuleux voulurent vendre sous ce nom des alcools de moindre qualité. Cela mena à une série de lois pour protéger le pisco, jusqu’aux années 1930 et l’instauration de la Denominacion de Origen.
11 cépages peuvent être utilisés pour la production de pisco, mais seuls 5 le sont communément
Parmi les 5 variétés de raisins blancs (plantées sur environ 10 000 hectares), certaines sont très aromatiques (comme le muscat rosé) et d’autres moins (tel le Pedro jiménez). La sélection des cépages constitue le premier choix du producteur.
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La vinification, qui débute dès la mi-février après les vendanges, est le deuxième. La méthode traditionnelle, désormais rare, consiste à laisser les peaux et les rafles lors de la fermentation, comme pour un vin orange. Aujourd’hui, la majorité des domaines obtiennent un vin de presse, parfois vinifié sur lies, parfois non.
Vient ensuite la distillation qui, suivant l’IG, ne peut se faire que de façon discontinue. Les alambics en cuivre – souvent de fabrication locale – sont généralement surmontés d’une petite colonne de rectification et parfois d’un condensateur partiel. Ces éléments rendent plus ardu le cheminement des vapeurs et, ainsi, concentrent l’alcool, atteignant souvent 80% en une seule passe.
Bien que ce soit là une méthode courante, on peut trouver de tout. Par exemple, la distillerie Chañaral de Carén coule à un degré plus bas (environ 55% pour le cœur). Chez Casa Julia, on distille en 2 passes avec une technique particulière, puisque le pourcentage alcoolique (60%) est réduit à l’eau avant de recharger l’alambic pour la seconde passe, qui atteint également les 60%, tout ça pour se débarrasser de certains éléments indésirables. Le pisco Black Heron, lui, subira même une triple distillation avant sa mise en vieillissement.
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Dans tous les cas, les coupes traditionnelles des têtes, cœurs et queues sont effectuées afin de ne garder que le cœur.
Après la distillation, une période de repos de 60 jours en contenant inerte est imposée par l’IG, qu’il s’agisse de cuve en inox ou de contenant en bois ne donnant ni couleur ni arôme
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La majeure partie de la production sera embouteillée blanche et consommée sur place, mais une fraction trouvera le chemin des fûts. Ces barriques sont élaborées à partir de 3 essences de bois possibles : chêne américain, chêne français, ou rauli – un arbre natif du Chili. C’est cependant le degré d’embouteillage qui définira la catégorie à laquelle appartient le pisco.
Il est donc aisé de comprendre le large éventail de profils gustatifs qu’offre le pisco chilien selon les choix des producteurs en termes de cépages, de vinification, de distillation, d’élevage, ou encore de pourcentage alcoolique.
Ainsi, un pisco non vieilli issu d’un assemblage de muscat rosé et de muscat d’Alexandrie, vinifié à la façon d’un vin orange et distillé à pourcentage modéré en une seule passe, se caractérisera par de vibrants arômes fruités et floraux (tel le Waqar). À l’autre bout du spectre, un pisco de Pedro jiménez, vinifié en blanc et distillé à haut degré puis vieilli en fût de chêne américain, se livrera sur des arômes boisés prononcés (comme certaines références de la distillerie Mistral). Et entre ces extrêmes, on trouve beaucoup de trames différentes, comme chez Los Nichos où les 5 cépages sont assemblés avant de vieillir en foudre de rauli, puis en fût neuf de chêne français à chauffe faible.
Cette diversité permet au pisco chilien d’être aussi bien utilisé en cocktails (fruités ou boisés) qu’en dégustation pure, comme une eau-de-vie de fruits pour les meilleurs blancs ou un cognac pour certains vieux.
Au Chili, où est écoulée la majeure partie de la production, le pisco se boit souvent en « Piscola » où il est associé à du… cola. En France, nous connaissons le Pisco Sour, boisson équilibrée entre acidité, sucre et alcool, à la mousse formée sur le dessus du verre grâce à l’incorporation de blanc d’œuf.
De manière générale, il s’avère extrêmement simple de réaliser des cocktails avec du pisco : vous pouvez remplacer votre alcool blanc (gin ou vodka) par une version non vieillie de cet alcool chilien. À vous les Pisco Tonic, les Chilean Negroni, ou encore les Pisco Bloody Mary ! Et il en va de même pour les recettes utilisant des spiritueux boisés auquel vous pourrez substituer un pisco vieux, où le fût s’exprime pleinement.
Pisco Waqar (70 cl, 40 %) – Prix : 48,90 €
Distribution : La Maison du Whisky