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LES DISTILLERIES DE WHISKY, UN PROCESS DE PLUS EN PLUS ÉCORESPONSABLE

À l’instar de nombreux secteurs d’activité, l’univers du whisky s’est mis au vert. Ses producteurs ont pris conscience de la fragilité de notre écosystème et se sont pris en main pour travailler différemment : matière première locale, énergie renouvelable, recyclage des déchets. Rencontre avec ces acteurs durables.

Direction l’Écosse, pays pionnier en matière d’éco-responsabilité

Face à l’urgence climatique, la Scotch Whisky Association (SWA) a imaginé en 2009 un plan stratégique environnemental consacré au développement durable, comprenant différents enjeux qui ont influencé les méthodes de production de nombreux distillateurs écossais. En 2021, sa stratégie s’est affinée avec le soutien des différents partenaires de la filière du whisky.

Aberlour

Son objectif : atteindre zéro émission d’ici 2040 (2050 en Grande-Bretagne). Aberlour, la mythique distillerie du Speyside du groupe Pernod Ricard, fait figure de modèle.

« L’Écosse a toujours eu un temps d’avance dans l’écologie et le whisky dépend de l’agriculture. Nous sommes très attentifs au changement climatique et nos premiers efforts durables sont passés par la préservation de l’eau du Speyside, ingrédient indispensable pour la fabrication de nos whiskies »

, explique Sandrine Ricard, Directrice adjointe S&R de Pernod Ricard au Royaume-Uni.

96% de l’eau exploitée pour la distillation des single malts revient purifiée dans la Lour, le ruisseau d’origine près de la distillerie.

Autre projet d’envergure planifié par la distillerie du Speyside : le retrait des étuis non recyclables pour les single malts Aberlour 10 ans Forest Reserve, 12 ans et 14 ans d’âge, mais aussi le White Oak et le Triple Cask qui représente une économie de 1,4 million de litres d’eau. Un grand bouleversement pour les cavistes et les consommateurs.

« On doit changer ses habitudes et on sait que ça ne se fera pas du jour au lendemain »

, précise Sandrine Ricard.
Glengoyne

Pour la distillerie des Highlands, Glengoyne, créée en 1833, l’approche écoresponsable a démarré il y a plus de 10 ans : électricité fournie par les éoliennes, nouveau packaging 100% recyclable, et gestion distincte des déchets liquides et solides.

Glengoyne est la première distillerie à s’être installée sur une zone humide pour gérer 100% des déchets liquides évacués par des tuyaux souterrains. La faune qui entoure le site est aujourd’hui incroyablement florissante, avec 14 500 plantes de 20 variétés. Quant aux déchets solides, ils sont envoyés dans un site de méthanisation pour être convertis en énergie.

Kilchoman

Du côté de l’île d’Islay, la maison Kilchoman, fondée en 2005, est elle aussi admirée pour ses démarches engagées. Elle fait partie de cette génération qui produit 100% son whisky au cœur de sa ferme-distillerie familiale. Sa devise : aucune émission de CO2 grâce à sa propre culture de l’orge jusqu’à la mise en bouteille sur place et un vieillissement à moins de 3 km, ce qui induit « aucun transport ».

Réputée pour la qualité de ses cuvées de caractère, la maison de la famille Wills prend soin de remettre dans leur état initial la tourbe prélevée sur l’île pour le maltage. Son objectif : restaurer sur les tourbières 100 hectares autour de Loch Gorm d’ici 2030.

Ce nouvel engagement durable dans l’univers du whisky a suscité des vocations pour des âmes entrepreneuses telles qu’Annabelle Thomas, fondatrice de la jeune distillerie Nc’Nean, campée dans le paysage sauvage de la péninsule du Morvern (Highlands), qui a ouvert ses portes en 2017. Son objectif : casser les codes du whisky avec une entreprise 100% durable.

« Quand j’ai créé ma structure en 2013, j’avais l’impression qu’il y avait très peu d’attention portée à la durabilité. Cela devait changer. Le monde entier a encore un long chemin à parcourir en matière de durabilité, y compris l’industrie du whisky écossais, et il incombe à chaque entreprise d’agir le plus rapidement possible »

, commente Annabelle Thomas.
Nc’Nean

Nc’Nean répond à tous les critères durables : orge biologique fournie par 2 fermes locales, 100% d’énergie renouvelable, des alambics chauffés avec du bois de forêt des environs, une distillerie zéro déchet à 99,97%, une gestion consciente de l’eau, une certification B Corp (attribuée seulement aux entreprises répondant aux exigences sociétales et environnementales), et des bouteilles en verre 100% recyclé stylées. Le bonus : un single malt très réussi !

Irlande, de jeunes distilleries aussi soucieuses de l’avenir de la planète.

Le whiskey irlandais n’a rien à envier au whisky écossais. La nouvelle vague de distilleries déploie elle aussi de gros moyens pour produire du jus malté de manière en mode vert. Bel exemple avec la distillerie Teeling, pionnière d’une génération de whiskey irlandais, élue distillerie durable de l’année 2022.

« Depuis sa création en 2015, Teeling a toujours travaillé de manière écoresponsable en s’approvisionnant uniquement avec des fermes irlandaises »

, détaille Chris Hayes, Global Brand Ambassadeur.
Teeling

Membre du programme « Origine Green », seul label au monde, dans le domaine des boissons et de l’alimentaire attestant des démarches durables d’une entreprise tout au long de la chaîne de production, la distillerie, nichée au cœur de Dublin, est aussi créative question whiskey qu’écologique.

Quelques exemples : une installation sur les toits de ruches pour produire du miel, un jardin composé de plantes pour finir le bar de la distillerie, un partenariat avec le Tree Council Ireland pour planter un hectare de chêne à chaque sortie de la cuvée « Wonders of Wood Single Pot Still » sans oublier les bouteilles, composées à 75% de verre recyclé, ou encore les drêches de production revendues aux agriculteurs pour le bétail.

Les projets ? Des panneaux solaires installés sur le toit pour produire 30% de l’énergie nécessaire à la distillerie, et l’installation de chargeurs pour voiture électrique dans la zone de chargement de la distillerie pour les véhicules hybrides.


Des producteurs français sur la chemin du développement durable grâce à un savoir-faire local.

Bien que le whisky reste une jeune industrie en plein développement, certains acteurs se sont déjà penchés sur le développement des process de production durable. Tel est le cas de la maison Rozelieures, pionnière en la matière en France.

Rozelieures

« L’idée de départ était de valoriser la matière première de l’exploitation, l’orge à travers la production de whisky. Sachant que la distillation est très énergivore, son propriétaire, Christophe Dupic, a créé en 2013, avec 2 agriculteurs, un site de méthanisation pour produire du biogaz, qui fournit aujourd’hui l’énergie à 80% de la distillerie. C’était une réflexion sur le long terme »

, explique Jonas Vallat, responsable marketing de Rozelieures.

Comparativement à nos voisins écossais et irlandais, la France dispose d’un atout : le savoir-faire local.

« Nous avons la culture de l’orge, des malteries, et des fûts de vin pour le vieillissement. Pour nos whiskies, il s’agit là d’une vraie richesse »

, poursuit Jonas Vallat.

Alors direction la distillerie d’Isle de France en Seine-et-Marne qui lance son premier whisky : Athanase, un single grain réalisé à partir de 50% de malt d’orge et 50% d’orge crue locale et brassée, fermentée, distillée dans un alambic Stupfler moins énergivore que d’autres marques et vieilli en Île-de-France.

Le whisky français est prêt pour sa révolution écoresponsable.

Écrit par Laurence Marot

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