Laurence Marot
En 1927, le Harry’s Bar à Paris inscrivait dans l’histoire la première recette connue du Boulevardier. La même année, l’expatrié américain Erskine Gwynne lançait The Boulevardier, magazine cosmopolite et impertinent qui chroniquait la vie parisienne. Près d’un siècle plus tard, l’iconique cocktail reste un classique moderne, et le magazine renaît sous l’impulsion de Franz Arthur Macelhone, héritier de la légende familiale du lieu.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de relancer The Boulevardier près d’un siècle après sa création ?
Il existe un lien très fort entre le cocktail Boulevardier et le Harry’s Bar. Avec ce magazine, nous avons entre les mains quelque chose de rare, qui relie la littérature, le bar et l’art. Cette relance n’est pas un geste nostalgique, mais une continuité naturelle. Paris continue de faire rêver, d’inspirer, notamment pour les Américains. La capitale reste un carrefour de créativité.
En quoi ce magazine est-il lié à ta famille et au Harry’s Bar ?
Je représente la quatrième génération de la famille MacElhone, et nous avons toujours cherché à préserver l’âme du Harry’s Bar. La première recette connue du Boulevardier est née ici. Mais le lieu a toujours dépassé la simple idée d’un bar : il est devenu un repère pour de nombreux écrivains et personnalités, attirés par son atmosphère unique. C’est cet héritage, à la fois littéraire et culturel, que nous prolongeons aujourd’hui avec le magazine.
Que représente pour toi le cocktail Boulevardier, à la fois boisson et symbole culturel ?
C’est l’un des grands classiques. Son équilibre parfait entre bourbon, vermouth rouge et Campari en fait un cocktail intemporel. Il symbolise à la fois l’élégance et la générosité, avec un potentiel infini de variations.
Comment avez-vous travaillé l’équilibre entre archives et contributions contemporaines ?
Pendant 2 ans, Patrick Dooley, ancien barman du Harry’s et directeur de création du projet, a mené un immense travail de recherche. Ce qui est passionnant, c’est le dialogue entre les textes d’auteurs comme Hemingway ou Arthur Moss et les voix contemporaines, pour la plupart américaines, qui partagent une sensibilité littéraire et une affection pour le Harry’s. 13 contributeurs vivants ont signé ce premier numéro. Nous avons aussi confié les images au photographe Tom McGeehan, grand amoureux du bar, pour capter l’esprit de Paris.
Quelles thématiques souhaites-tu explorer à travers The Boulevardier ?
Le magazine original était une véritable école de pensée. Il réunissait des auteurs très différents comme Hemingway ou Fitzgerald, mais qui avaient un regard commun sur Paris. Aujourd’hui, nous explorons cette même idée d’expatriés qui vivent à Paris, avec des thématiques qui résonnent aussi bien hier qu’aujourd’hui. Dans le paysage littéraire, le Harry’s a toujours occupé une place particulière.
L’esprit boulevardier, comment le définirais-tu pour la génération actuelle ?
Tout est dans le titre : un boulevardier, c’est quelqu’un qui flâne, qui observe, qui s’imprègne de l’air du temps. Pour moi, c’est un Américain à Paris avec un côté bohème, généreux et curieux. Cet esprit existe encore aujourd’hui.
Le Harry’s Bar est intemporel. Comment continuer à le faire rayonner dans une scène cocktail en perpétuelle évolution ?
En restant fidèle à ce qui fait son inventivité. Le Harry’s Bar est une destination unique, qui traverse l’âge d’or du cocktail jusqu’à nos jours. Nous avons conservé notre identité old school, contre toute attente très à la mode aujourd’hui. C’est en préservant cette authenticité que nous continuons de rayonner.
Quel rôle espères-tu que The Boulevardier joue dans la culture cocktail et lifestyle internationale ?
Rappeler que le cocktail n’existe jamais isolément : chacun de nos cocktails iconiques, du Boulevardier à l’Expresso Martini, est le reflet d’une époque, d’une esthétique, d’un imaginaire. Avec ce magazine, nous voulons inspirer, créer du dialogue autour du bar et de la création. Le bar reste un carrefour où tout converge.
Enfin, si tu devais définir The Boulevardier en trois mots ?
Intemporel, généreux, et audacieux.
