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FRANCE BIÈRE CHALLENGE : UNE ÉDITION 2021 À BRUXELLES

Thomas et Luc, organisateurs du France Bière Challenge

La crise sanitaire a chamboulé les plans de sa 4e édition. Prévue à l’origine à Lille en partenariat avec l’Échappée Bière, agence dédiée au tourisme brassicole, cette compétition valorisant le patrimoine brassicole français a emménagé dans les bureaux des organisateurs de BeComev. Barmag a interviewé certains jurés, essentiellement belges, pour recueillir leur impression à chaud.

12 avril : les premiers résultats du concours sont annoncés parmi les 511 bières produites en France dans 36 catégories de style, dégustées par 40 jurés experts de 5 nationalités. À découvrir sur le site de France Bière Challenge sous la forme originale de grattage !

Cette édition pleine de rebondissements, organisée du 18 au 20 mars dans la capitale belge, a remué la communauté de la bière. Virus de la Covid oblige, les organisateurs de BeComev ont décidé de maintenir cette édition 2021 accompagnée d’une nouvelle brigade de jurés, majoritairement belges : des pointures de la bière déjà participantes au célèbre concours Brussels Beer Challenge. « Nous avons un très bon comité de dégustateurs à travers Brussels Beer Challenge créé il y a 10 ans, pour certains les meilleurs juges au monde. Toutes les fiches de dégustations des concours sont contrôlées pour leur qualité. Ces experts connaissent bien le marché de la bière et ont conscience de la montée en gamme des brasseries françaises artisanales », précise Luc De Raedemaeker, l’un des organisateurs de la compétition.

French-Beer-Challenge-jury

Le profil des brasseries candidates de 2021 ? « De la multinationale à la familiale, venues des quatre coins de France. Nous avons eu de très belles surprises, notamment dans la nouvelle section brasseurs amateurs. 19 participants de la catégorie Saison, qui nous ont fait parvenir des échantillons dignes de professionnels. Les catégories IPA et blondes ont été les plus représentées. On espère organiser cet été la remise des prix à Lille avec tous les jurés », confirme l’expert belge. Un événement à ne pas manquer. En attendant, découvrons le témoignage de 5 juges.


Éric Toft, maître brasseur de Schönramer en Bavière

Tu es connu pour être un juge de renom dans le monde de la bière.

Dans les années 1990, j’étais juré pour le célèbre GABF (Great American Beer Festival). Je participe depuis sa création au European Beer Star (sauf en 2020 où j’étais à Bruxelles et dans l’incapacité de voyager). Je suis également juge pour la World Beer Cup depuis 2004. En novembre dernier, j’ai été ravi de juger pour la première fois au Brussels Beer Challenge, comme cette année pour France Bière Challenge.

Que penses-tu du paysage brassicole français ? Quelle est l’opinion des consommateurs européens ?

Je me suis familiarisé avec certaines bières françaises en 2018, alors que j’étais en congé sabbatique. J’ai passé du temps autour de Cahors et j’ai surtout apprécié les bières de la brasserie Ratz. Son propriétaire, Christophe Ratz, que j’ai rencontré à sa brasserie, est très hospitalier et généreux. C’est passionnant de voir le nombre de brasseries qui s’ouvrent et l’enthousiasme des quelques pros français que j’ai rencontrés. Je ne pense pas que de nombreux consommateurs européens de bière (à part les Français et peut-être les Suisses) aient encore la bière française dans leur radar. Même si la semaine dernière, je parlais avec un collègue allemand qui adorait une bière française récemment goûtée…

Qu’as-tu pensé de cette édition de France Bière Challenge ? As-tu eu de très bonnes surprises ?

J’ai beaucoup aimé être juge de France Bière Challenge. J’ai dégusté les IPA, les bières élevées en fûts ou avec adjonction de copeaux de bois, les bières blanches, et les bières fumées. Quelques-unes m’ont rappelé les débuts du brassage artisanal aux États-Unis. On aurait dit que certains brasseurs étaient encore en train de « tester » leurs recettes, tandis que d’autres affichaient un bon niveau. La qualité variait considérablement dans chaque catégorie, avec quelques très bons exemples. Je n’ai pas trouvé de bières mal faites dans celle que j’ai goûtées, même si quelques-unes étaient certainement confrontées à des problèmes microbiologiques. Bref, j’ai découvert une jeune industrie qui, grâce à son bel enthousiasme, progresse.  

Cyril Hubert, biérologue français indépendant (les-degustateurs.com)

Est-ce la première fois que tu étais membre du jury France Bière Challenge ?

Oui, c’était ma première. J’ai apprécié que les organisateurs me fassent confiance, et surtout de reprendre du service au vu du contexte sanitaire actuel. L’année dernière et pour x raisons, je suis passé à côté de tout. Je participe à d’autres concours internationaux comme Aro Rojo (Mexique), Copa Cerveza de America (Chili), Bruxelles Beer Challenge (Belgique), World Beer Awards (Angleterre), Frankfurt International Trophy (Allemagne), Concours international de Lyon et Concours général agricole de Paris. Je devais participer au KIBA (Korean International Beer Awards, Corée du Sud) et à Birra dell’Anno (Italie) et il est prévu que je sois pour la première fois juré à l’European Beer Star.

Que penses-tu du paysage brassicole français ?

Il est en pleine évolution. Nous avons la chance d’avoir des brasseries de très grand calibre sur l’ensemble du territoire. La créativité est en constant développement, tout comme les techniques et le matériel.

Qu’as-tu pensé de cette édition de France Bière Challenge ? Quels ont été tes coups de cœur ?

J’ai vraiment apprécié l’organisation, difficile avec ce contexte sanitaire. Elle est à la hauteur de la réputation des organisateurs ! J’ai une affection particulière pour eux ! Et je trouve vraiment sympa la complicité entre Thomas et Luc. Nous avons été très peu de juges hors nationalité belge et je les remercie de m’avoir donné la possibilité d’y participer.

Concernant les bières dégustées, j’ai constaté de belles réussites qui méritaient leur médaille, mais il y a eu aussi de beaux ratages. Mes coups de cœur : certaines triples que j’ai beaucoup appréciées, des Saison assez surprenantes, quelques bières de tables et amber ales très intéressantes. Je me suis rendu compte que le niveau français sur certains styles n’a pas encore atteint le niveau international, notamment sur Neipa et sour.

Kevin Lhoest, zythologue belge et fondateur de l’agence dédiée à la bière Hoptimalt à Namur (www.hoptimalt.be)

As-tu déjà participé aux concours organisés par BeComev ?

J’étais juge pour la première fois au Brussels Beer Challenge 2020. On m’a ensuite sollicité pour France Bière Challenge.

Que penses-tu du paysage brassicole français ?

Le monde de la bière française s’est aligné aujourd’hui sur le mouvement de la beer craft international, avec des catégories prédominantes comme l’IPA, l’Imperial Stout et d’autres styles typiques anglo-saxons. On trouve d’excellentes microbrasseries comme Piggy Brewing Company, ou encore Hoppy Road que j’ai eu l’occasion de découvrir récemment. Comparativement à la Belgique, la France affiche un peu de retard sur certaines tendances. Par exemple, la Neipa explose actuellement en France alors que ce style a débarqué en Belgique depuis environ 2 ans.

Que penses-tu des bières présentées à France Bière Challenge ?

J’aime beaucoup le principe du concours : des bières jugées à l’aveugle à travers le regard de professionnels de la bière du zythologue au journaliste, en passant par le brasseur. Nous avons le temps de débattre sur le choix des prix.

Comme tous les concours, il est arrivé que nous ne donnions pas de médaille d’or si les bières ne correspondaient pas à 100% à la catégorie. J’ai eu l’opportunité de juger les bières avec ajout d’ingrédients. La sélection était très intéressante et osée. On y trouvait bien sûr des produits avec de la fleur de sureau ou de l’hibiscus (une grosse tendance), mais aussi des ingrédients différents comme de l’anis étoilé ou des marcs de raisin avec des goûts spécifiques.

Pour d’autres catégories, j’ai dégusté des mousses qui manquaient de punch ou ne correspondaient pas à la catégorie inscrite. On peut regretter que certaines brasseries cherchent à plaire à tous les styles de consommateurs sans prendre de risque. Une des caractéristiques des brasseries à gros volume.

Yvan De Baets, fondateur et maître brasseur belge de la Brasserie de la Senne à Bruxelles

Participes-tu souvent à des concours de bières ?

Je suis juge pour une dizaine de concours internationaux, dont la World Beer Cup et le Great American Beer Festival aux États-Unis. Je participe au France Bière Challenge depuis sa création.

Que penses-tu du paysage brassicole français ?

Ma vision est assez mélangée, mais je connais beaucoup de bons brasseurs français, dont j’apprécie énormément le travail.

Quelle est ton opinion sur la dernière édition de France Bière Challenge ?

Malgré tout le respect que j’ai du monde brassicole français, j’ai trouvé la qualité moins élevée que les années passées. Bon nombre de bières dégustées ne correspondaient malheureusement pas à la catégorie présentée. Par exemple, j’ai goûté une très bonne bière à base de froment et fermentée avec des Brettanomyces qui ressemblait à une Saison, dans la catégorie blonde française. Nous avons dû déclasser cette bière pourtant excellente parce qu’elle n’avait rien à faire dans cette catégorie.

J’ai aussi remarqué une certaine méconnaissance des styles par certains brasseurs, avec des bières introduites dans la catégorie IPA mais qui manquaient totalement de houblon, ou encore des stouts sans le moindre caractère torréfié… Il y a peut-être un manque d’accès à certains exemples internationaux de qualité pour certains styles, qui sont alors réinterprétés parfois de manière trop personnelle par le brasseur. Le problème ne tient pas forcément à la bière elle-même, mais à son classement dans une catégorie par ailleurs bien définie.

Axel Cleenewerck, journaliste belge pour l’agence de presse Belga et le magazine Bière Grand Cru.

As-tu déjà participé aux concours organisés par BeComev ?

Je participe à Brussels Beer Challenge depuis 2015, et à France Bière Challenge depuis 2019.

Que penses-tu du paysage brassicole français ?

Mon regard est plutôt positif. Quand, en vacances, j’avais l’occasion de prendre une bière dans les cafés du nord de la France, je trouvais essentiellement des marques belges ou des institutions de la région comme 3 Monts ou la Goudale. France Bière Challenge m’a ouvert les yeux sur le travail des microbrasseries françaises. Certaines de leurs bières sont particulièrement bien faites et équilibrées. J’ai découvert chez des cavistes en France des pépites comme la nordiste Brasserie du Pays flamand, La Débauche d’Angoulême, ou Brasserie Sainte Cru basée en Alsace – une région que j’apprécie pour sa culture bière et vin.

Et la vision des consommateurs belges ?

Il existe 2 types d’avis : ceux marqués par un côté protectionniste, prenant de haut les brasseries françaises ; et ceux plus curieux et épicuriens, conscients de la qualité croissante des brasseries artisanales dans l’Hexagone.  

Que penses-tu des bières présentées à France Bière Challenge ?

J’ai goûté des catégories très différentes entre des bières blondes, des spécialités IPA, des bières fumées, et des bières de blé type belge. J’ai trouvé que l’ensemble des échantillons présentés était vraiment de qualité mais que parfois cela manquait de cohérence dans le choix de la catégorie fait par la brasserie. Par exemple, certaines Black IPA ne correspondaient pas au style. Le dosage en houblon était un peu timoré. Je donnerais un conseil aux brasseries françaises : osez vous distinguer à travers vos propres recettes !  

Écrit par Laurence Marot

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