Le Meilleur Ouvrier de France Barman 2011 a lâché les shakers rutilants du Bristol pour rejoindre la nouvelle terre promise et imposer son empreinte cocktail aux côtés d’associés français hors pair à travers son premier établissement, Pompette. Récit d’un projet réussi en pleine crise de la Covid.
Cheveux courts ébouriffés, visage mangé par une barbe de quelques jours, tee-shirt noir et tablier en jean stylé : Maxime Hoerth a troqué son image de chef barman de palace tiré à quatre épingles pour celle d’un jeune entrepreneur au look cool installé dans le quartier branché de Little Italy, au cœur de Toronto.
Malgré sa position dorée au bar du Bristol, voilà quelques années que le jeune trentenaire réfléchissait à une autre vie à plusieurs milliers de kilomètres du tumulte parisien. « J’avais fait le tour, raconte ce maestro du bar qui a pris un nouveau départ de l’autre côté de l’Atlantique il y a quatre ans. C’était la crise dans le luxe après les attentats, et jeune papa, je ne voulais pas voir grandir ma famille à Paris. Avec mes 2 associés, Jonathan Bauer-Monneret, sommelier, et Bernard Boss, ami et client du Bristol, nous avons vite pensé au Canada et à Toronto pour monter un établissement qui nous ressemble. Cette capitale économique très dynamique est située à une heure de vol de New York et regorge d’événements culturels comme le Festival international du Film. Montréal ne nous intéressait pas parce que la communauté française est trop présente et qu’il y existe déjà de nombreux concepts similaires. ».
Une ouverture semée d’embûches
Sitôt leur arrivée à Toronto, Maxime Hoerth et ses associés entament un vrai parcours du combattant avant d’ouvrir leur bistrot au joli nom de Pompette. « Dès notre emménagement, nous avions trouvé un local mais nous avons été confrontés à un propriétaire véreux qui nous a fait perdre un an et de l’argent. Nous avons ensuite trouvé un autre lieu mis en vente par un couple partant à la retraite. 8 mois de négociation ont été nécessaires. C’était du genre “cauchemar en cuisine“», commente le chef barman.
Un malheur arrive rarement seul. Son associé Bernard Boss décède en 2019 et ne verra jamais l’ouverture de ce bistrot à la française qui démarre au début de la crise sanitaire. « Nous avons eu seulement 4 mois d’exploitation en 2020, entre mai et octobre. On s’est lancés tout de suite dans la vente à emporter en proposant du vin (300 références de tous horizons, notamment européennes mais aussi canadiennes), des cocktails (en bouteille de 36 cl) et des plats à emporter bien franchouillards (poireaux vinaigrette, volaille au vin jaune, baba au rhum), avant de développer une formule plus bistronomique en 4 plats. Nous avons eu rapidement une clientèle fidèle, à 60% francophone. »
Ce prompt succès repose bien sûr sur son équipe de choc entre un MOF Barman, un Meilleur Sommelier de France et une cheffe et associée officiant dernièrement à Matignon, ajouté à un concept novateur pour la ville canadienne. « On a imaginé un bistrot décomplexé avec des produits uniquement faits maison. On a la chance d’être dans un quartier sans concurrents avec des restaurants inspirés par une cuisine locale ou traditionnelle et une clientèle aisée voyageant régulièrement en Europe qui apprécie notre offre authentique. Ici, les établissements nourris par une identité européenne et gérés par des Européens fonctionnent bien », détaille le jeune entrepreneur d’origine alsacienne.
Des créations cocktails techniques à rendre pompette
Question cocktail, Maxime Hoerth reste fidèle à sa réputation de haut vol et, assisté d’Hugo Togni, signe une carte de boissons inventives et explosives en goût. « Quand je change d’établissement, je change de vision, c’est ce qui me permet de grandir. Au Bristol, on recherchait des saveurs spectaculaires avec des associations pas vraiment complexes. Ici, on a cherché à travailler sur des mélanges percutants. Pour cela, on s’est fait plaisir en investissant dans un lab équipé d’un Rotovap, Vitamix, d’une centrifugeuse, d’un four Rational et d’une machine sous vide et bientôt une machine à bloc de glace Clinebell. »
Au menu : 3 catégories bien distinctes qui font saliver tout amateur de cocktail. La première, « Crowd Pleasers » réunit une sélection de cocktails populaires à boire les yeux fermés. La seconde, « Modern Mixology », regroupe des drinks avec des associations de saveurs contemporaines, plus osées ou inhabituelles. « Nous avons planché sur des classiques revisités avec des techniques actuelles comme une piña colada à la texture légère mise en pression sous nitrogène, composée de jus d’ananas frais clarifié, d’un rhum fatwash au lait de coco, d’un falernum au curry et eau de coco. » Autre fleuron : le Nordic Negroni à base d’aquavit, de vermouth rouge, de Campari passé à l’AeroPress avec du café puis cuit sous vide grâce à de la cire d’abeille ; ou encore le Thaï Gimlet avec un distillat aux saveurs thaïes (gingembre, coriandre, citronnelle, chili, oyster sauce), cordial de citron vert passé au Rotovap (merci Rémy Savage) et pisco.
Dernier chapitre, un clin d’œil aux copains français du bar « Friends of Pompette » : les meilleures recettes cocktails de quelques amis. « On a commencé par le Italian Job de Joseph Akhavan, les autres sont dans les tuyaux pour la réouverture : PBJ, de Nico de Soto ; Roquettini, d’Aurélie Panhelleux ; E Khô Qua, de Thomas Girard. Le tout bien sûr à emporter ! C’est un marché qui s’ouvre. Contrairement au Québec, ici nous avons l’autorisation d’utiliser des techniques dans nos préparations, comme l’infusion. Nous espérons conserver l’espace caviste à la réouverture des établissements. »
Côté spiritueux, taxe oblige, Pompette a réduit sa sélection, pour se concentrer sur des marques exportatrices tricolores comme la Maison Ferrand, des distilleries locales et les AOC cognac et armagnac, fiertés du patrimoine français. La Covid n’a pas freiné les ambitions de l’équipe de Pompette à Toronto. Prochaine étape : l’ouverture d’une seconde structure, à 2 numéros du bistrot. « La journée nous proposerons du café, et le soir du cocktail dans un esprit à mi-chemin entre la Commune et Maison Première à New York. L’Alsacien Hugo Togni, ancien barman du Code Bar à Strasbourg, managera le bar et sera copropriétaire. » Longue vie à Pompette !